Oui, une femme qui n’a jamais eu d’enfants peut supporter un stérilet

Alors que de plus en plus de Françaises se tournent vers le dispositif intra-utérin, DIU, certains gynécologues refusent encore d’en poser aux nullipares. Pourtant, il n’existe aucune contre-indication.

Maud Le Rest
Rédigé le , mis à jour le
Oui, une femme qui n’a jamais eu d’enfants peut supporter un stérilet

"J’ai demandé à ma gynéco si je pouvais me faire poser un stérilet, elle m’a dit que ce n’était pas possible si je n’avais pas eu d’enfants", confie Emma, 25 ans. Un témoignage encore très fréquent en France, où le mythe selon lequel on ne peut pas poser de dispositif intra utérin (DIU) aux femmes nullipares perdure. Nous en avions fait l’expérience en 2015 : sur 15 gynécologues contactés, seuls un tiers acceptaient de poser un DIU à une femme n’ayant jamais eu d’enfants. Pourtant, à l’époque, les autorités de santé françaises avaient déjà autorisé la mise sur le marché de stérilets destinés aux nullipares depuis plus de dix ans. De même, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) indiquait depuis 2005 qu’il n’existait aucune contre-indication à poser un DIU pour ces femmes.

Mais "malgré une convergence des recommandations internationales en faveur d’une promotion de cette contraception chez les jeunes femmes, les professionnels de santé restent convaincus d’un taux de complications plus important dans cette population et n’y sont pas favorables pour la majorité d’entre eux", notait le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) à l’occasion de ses 38e journées nationales en 2014.

Petit point sur les idées reçues sur la pose de DIU qui circulent toujours :

  • Avec un stérilet, il y a davantage d’infections génitales hautes chez les nullipares.

C’est faux. Aucune étude n’a démontré d'association entre l’utilisation des DIU et les infections génitales hautes – c’est-à-dire les endométrites, les salpingites, les abcès tuboovariens et les pelvipéritonites d'origine génitale – sauf pendant les 20 premiers jours après la pose. Si infection il y a, elle est causée par un rapport non protégé, et le stérilet n’a aucun rôle dans cette infection.

  • La pose de stérilet augmente les risques d’infertilité chez les nullipares.

C’est faux. Selon la Haute autorité de santé (HAS), entre autres, il n’y a aucun risque d’infertilité tubaire (c’est-à-dire d’obstruction des trompes). Là encore, des complications peuvent survenir si la femme ne se protège pas des IST, mais cela n’a rien à voir avec le DIU. Les femmes ne connaissent d’ailleurs pas de difficultés particulières pour tomber enceinte après le retrait de leur stérilet.

  • La pose de stérilet augmente les risques de faire une grossesse extra-utérine (GEU) chez les nullipares.

C’est faux. Les nullipares sous DIU n’ont pas plus de risques de développer une GEU que les multipares sous DIU. Par ailleurs, comme l’explique le Dr Martin Winckler, spécialiste de la question, les très rares fois où une femme ayant un DIU tombe enceinte, "les GEU sont liées à l’état de la trompe (donc, à l’utilisatrice), et non à la méthode contraceptive employée. Autrement dit, une femme susceptible de souffrir d’une GEU (et qui l’ignore) court huit fois moins de risques en se faisant poser un DIU qu’en n’ayant pas de contraception du tout ! (Et aussi moins de risques de GEU qu’en prenant la pilule, puisque la probabilité d’être enceinte avec un DIU est inférieure à celle de l’être en prenant la pilule !)".

  • Une nullipare a plus de risques d’expulser son stérilet.

Il ne semble pas y avoir de consensus scientifique sur le sujet. Une étude de 2015 portant sur 5.403 femmes constate un taux moyen d’expulsion moindre chez les femmes nullipares (8.4%) que chez les multipares (11.4%). Néanmoins, cela ne concerne que les DIU au levonorgestrel. Par ailleurs, dans une étude de 2010 "qui a inclus le plus grand nombre de nullipares, le risque d’expulsion n’apparaît pas augmenté", indique le CNGOF. D’autres font état d’un risque accru d’expulsion chez les adolescentes (de 5 à 22%) par rapport aux femmes (3 à 5%), mais elles se basent sur des dispositifs expérimentaux (elles ont d’ailleurs été publiées dans les années 70 et 80).

  • Il y a plus de risques de perforation chez les nullipares.

"Dans la mesure où la cavité utérine est plus petite chez les nullipares, il est légitime de se poser la question", concède le CNGOF. Mais une étude réalisée entre 2006 et 2013 sur 61.380 femmes a confirmé la faible incidence de cet accident, sans réelle différence selon l’âge ou le nombre d’enfants des patientes.

  • Les nullipares ont plus mal lors de la pose.

C’est vrai. Logiquement, une femme qui n’a pas eu d’enfant sentira davantage la pose. Néanmoins, il existe aujourd’hui des tailles de DIU spécialement adaptées aux nullipares. Selon la HAS par ailleurs, des antalgiques peuvent être prescrits en prévention. Enfin, l’état d’anxiété ou la relation avec le praticien influencent grandement le niveau de douleur ressentie.

Les Françaises en âge de procréer ne sont plus que 37% à utiliser la pilule, alors qu’elles étaient près de 45% en 2010, selon un sondage Ifop publié fin septembre. En cause notamment, une défiance vis-à-vis de la contraception orale après la mise en cause des pilules de 3e et de 4e génération. Parallèlement, l’Ifop a révélé que le nombre d’utilisatrices du stérilet a connu une hausse significative entre 2010 et 2018, puisqu’il est passé de 18,7% des Françaises à 25%. Elles sont d’ailleurs 21% à penser que le stérilet est la meilleure alternative à la pilule, toutes catégories confondues.