Comment les maladies chroniques peuvent perturber la sexualité

Une maladie chronique a souvent un retentissement direct ou indirect sur la sexualité. Une prise en charge adaptée permet de limiter cet impact.

Dr Charlotte Tourmente
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Les troubles sexuels sont en moyenne 2 à 6 fois plus fréquents en cas de maladie chronique que dans la population générale (source : Dysfonctions sexuelles de la maladie chronique, l'état des lieux, Sexologies, Colson).

Maladies chroniques et handicap affectent 20% de la population d'après cette étude, pour souligner l'ampleur du phénomène. Les maladies chroniques sont réparties en 5 groupes : les maladies cardiovasculaires, le diabète, les cancers et les affections psychiatriques de longue durée en représentent 75%. Le cinquième groupe est composé des affections respiratoires, des insuffisances rénales, des maladies neurodégénératives et du handicap. Si les troubles sexuels sont plus fréquents parmi les patients souffrant de ces affections, que dans la population générale, ils ont également un fort retentissement sur la qualité de vie.

Des troubles sexuels aux origines multiples

Les maladies chroniques perturbent la sexualité pour différentes raisons, parfois associées. Il peut s'agir d'une origine organique (physique) : la maladie provoque directement le symptôme. On sait ainsi qu'un trouble de l'érection est souvent un symptôme inaugurant d'une maladie cardio-vasculaire. Les mécanismes du diabète ou de la sclérose en plaques, pour ne citer que ces maladies, peuvent provoquer directement les symptômes sexuels. Leur installation sur le long terme majore encore un peu plus l'impact émotionnel de la maladie.

L'excitation, se traduisant par l'érection chez les hommes et la lubrification chez les femmes, ainsi que l'orgasme sont parfois plus lents à survenir pour les raisons citées ci-dessus. Les symptômes physiques, comme la fatigue, une paralysie, des difficultés respiratoires, ou encore des douleurs, peuvent rendre impossibles les pratiques habituelles, et nécessitent de modifier son comportement sexuel et le déroulement du rapport.

De plus, la survenue d'une maladie chronique peut bouleverser, le regard que l'on porte sur soi et sur son corps. La confiance en soi et l'estime de soi sont souvent impactées ; envisager une sexualité et une relation intime est parfois compliquée. Le patient peut se sentir moins séduisant, moins attirant avec parfois le sentiment d'avoir perdu la capacité d'être aimé. De plus, dans de nombreuses maladies chroniques, l'anxiété et la dépression sont plus fréquentes, deux pathologies connues pour leur retentissement négatif sur la sexualité. C'est également le cas de leurs traitements, dont certains peuvent provoquer comme effet secondaire un trouble sexuel.

En pratique, il est encore très difficile de démêler la part des altérations métaboliques et/ou des tissus, et celle de l'anxiété, de la dépression ou encore des fausses croyances. L'idée même de conséquences sexuelles est parfois paralysante, alors que la maladie n'a pas provoqué d'altérations dans ce domaine.

Une prise en charge adaptée

Mais quelle que soit l'origine, la prise en charge d'un(e) patient(e) se fait sur plusieurs volets : physique, psychologique, comportementale.

Sur le plan physique, il est recommandé de consulter un professionnel de santé sexologue. Ce sera l'occasion de faire un point complet sur la sexualité, les difficultés pratiques, comme une paralysie ou encore le trouble sexuel. C'est surtout l'occasion d'un traitement pour certains symptômes, notamment pour le trouble de l'érection, ou l'éjaculation prématurée, ou de moyens physiques comme un lubrifiant et un traitement de la sécheresse vaginale, de bénéficier de conseils efficaces et d'une prise en charge globale. Certains services hospitaliers, comme la neurologie pour la sclérose en plaques, les associations ou les réseaux proposent cet accompagnement sexuel.

Sur le versant psychologique, bénéficier de l'aide d'un psychologue fait parfois gagner du temps dans l'acceptation de la maladie, de ses retentissements et dans une meilleure gestion de l'anxiété et du stress. Ce sera aussi l'occasion de stimuler son estime de soi, et d'apprendre à focaliser sur tous ses atouts et ses qualités.

Enfin, en pratique, la nécessité d'adapter sa sexualité  s'impose souvent, ce qui est d'autant plus compliqué à faire quand des années sans maladie ont enraciné les habitudes sexuelles. Réinventer sa sexualité, est souvent indispensable pour conserver le plaisir et la tendresse. Cela passe par une inventivité concernant les positions sexuelles encore possibles, des préliminaires plus longs, les sextoys pour intensifier et cibler les stimulations, ou encore certaines aides techniques comme des coussins pour se caler en cas de difficultés motrices, ou le handilover pour permettre les mouvements de va-et-vient de la pénétration (au prix encore prohibitif).

Réinventer sa virilité ou féminité en cas de maladie chronique, est souvent un challenge, qui mérite d'être relevé. C'est souvent plus simple avec l'aide d'un psychologue ou sexologue, mais lorsque ce n'est pas possible, les patients peuvent trouver de l'aide dans les ouvrages de développement personnel, les témoignages positifs de patients, les conseils pratiques basiques comme prendre soin de son apparence, mettre en avant ses atouts et non son handicap, privilégier tout ce que l'on peut encore faire, et non ce que l'on ne peut plus faire...