Violences conjugales et loi : les explications d'une avocate

Le 3 mars 2019, Julie Douib mourait sous les coups de son ex-conjoint. Elle est la trentième femme décédée sous les coups de son conjoint depuis début 2019. Alors que faire si l'on est victime de violences conjugales ? Comment s'informer ? Maître Brigitte Bogucki nous rappelle les démarches à entreprendre.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
"Violences conjugales : que dit la loi ?", chronique de Me Brigitte Bogucki du 14 mars 2019 - Crédit photo : ©Dan Race / Fotolia
"Violences conjugales : que dit la loi ?", chronique de Me Brigitte Bogucki du 14 mars 2019 - Crédit photo : ©Dan Race / Fotolia

Selon les chiffres de l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice parus ce jeudi 14 mars, en 2017, 109 femmes ont été tuées par leur partenaire dans des couples dits "officiels" et ces chiffres sont relativement constants depuis des années. La violence conjugale touche aussi les hommes mais dans une bien moindre mesure puisque pour la même année, 16 hommes ont été tués dans ce cadre.

Cette violence touche tous les âges et tous les milieux, toutes les origines. Il faut que cela cesse et pour cela, il faut que les victimes soient informées.

Définir les violences conjugales

La violence conjugale est le fait d'être physiquement ou psychologiquement violenté par la personne avec laquelle on partage sa vie ou avec laquelle on l'a partagée.

Il peut s'agir d'une violence physique, le fait de frapper, de pousser, de bousculer... Une gifle est une violence que vous ne pouvez pas accepter. Il peut aussi s'agir d'une violence sexuelle. Il n'est pas obligatoire d'accepter des relations sexuelles même avec son conjoint. Si vous y êtes forcée, c'est un viol !

Il peut aussi s'agir de violences morales (insultes, injures, menaces), des violences économiques (confiscation des moyens de paiement, contrôle des dépenses), des violences administratives (rétention des documents d'identité)...

Toutes ces violences sont punies par la loi et qu'elles soient le fait d'un partenaire ou d'un ex-partenaire (conjoint, concubin, pacsé), elles sont considérées comme un "élément aggravant" (article 132-80 du code pénal) qui entraîne un alourdissement de la peine car on doit se sentir en sécurité chez soi. Les condamnations peuvent aller jusqu'à des années de prison et des dizaines de milliers d'euros d'amende.

Que faire quand on est victime ?

Il faut tout d'abord se rappeler que les violences ne sont JAMAIS de la faute de la victime (je l'ai cherché, c'est de ma faute...). Eduquer ses enfants, c'est aussi leur montrer l'importance du respect de la personne humaine. Il faut donc réagir immédiatement et refuser absolument cette violence sinon l'expérience et les études prouvent qu'elle recommencera.

La difficulté avec les violences au sein des couples, ce sont les preuves car la plupart du temps, les faits se produisent à l'intérieur de la famille. Vous pouvez agir au moment même des violences en appelant les secours, des proches, des voisins, de la famille pour vous aider et vous protéger.


Si vous avez subi des coups, faites-les impérativement constater au moins par un médecin qui devra indiquer la durée d'incapacité totale de travail liée aux violences subies. Il s'agit pour le médecin de fixer le nombre de jours de la perte d'autonomie dans la réalisation des gestes élémentaires de la vie, c'est sans lien avec le travail.

Faire constater les coups est fondamental car même si vous n'envisagez pas de porter plainte immédiatement, vous risquez si les problèmes recommencent ou en cas de séparation de regretter amèrement de ne pas avoir de preuves... S'il ne s'agit pas de violences physiques, conservez des preuves, demandez des attestations aux éventuels témoins.

Vous pouvez également porter plainte (vous avez six ans pour le faire à compter des faits) auprès des services de police ou de gendarmerie qui n'ont absolument pas le droit de refuser de prendre votre plainte. Si vous souhaitez simplement déposer une main courante (qui est une déclaration à la police), vous pouvez le faire.

Une fois la plainte ou la main courante déposée, vous n'êtes plus maître de la procédure. Le coupable peut être poursuivi même si vous ne le souhaitez pas. Inutile donc de céder à la pression "retire ta plainte"... Cela ne sert à rien.

Il faut ensuite clairement envisager la séparation et être protégé. Pour cela, il faut des conseils. Les services sociaux et les avocats peuvent vous aider.

Quelles protections pour les victimes de violences conjugales ?

Ces dernières années, l'arsenal juridique s'est beaucoup enrichi concernant les violences conjugales. Tout d'abord, la personne violente peut se voir interdire d'approcher sa victime, voire être contrainte à se soigner, et même être placée en détention provisoire.

Pour celles qui veulent quitter le domicile, le fait d'être victime de violences conjugales justifie le départ du domicile et permet sous certaines conditions de ne plus avoir à payer le loyer au propriétaire, celui-ci étant alors à la charge seule du conjoint violent qui serait resté dans les lieux. C'est une possibilité récente de la loi Élan de novembre 2018 (article 136). Toutefois, il faut d'une part avoir une décision judiciaire reconnaissant les violences et d'autre part en prévenir le bailleur, de sorte que l'exonération de loyer ne court pas tout de suite.

On peut, au contraire, vouloir expulser le conjoint violent du domicile familial. Pour cela, il faut obtenir du juge une ordonnance de protection (article 515-1 du code civil) qui va non seulement permettre cette expulsion mais aussi autoriser éventuellement la victime à cacher son adresse et fixer les règles concernant les enfants (droits de visite, pensions alimentaires...).

Cette ordonnance donne aussi droit à un titre de séjour temporaire malgré la rupture de la vie commune et ce, pour protéger les étrangers qui croient n'avoir aucun droit et devoir tout supporter de leur conjoint. Toutefois, cette ordonnance n'est pas facile à obtenir car elle intervient sans que le conjoint n'ait encore été condamné. Il faut donc des faits absolument incontestables.

Dernier conseil : n'acceptez pas les violences et réagissez vite. Plus votre réaction sera immédiate, moins vous serez dans le cercle vicieux victime/bourreau et moins vos enfants souffriront.