Des associations s'indignent de l'augmentation des féminicides en 2019

Le nombre de femmes tuées par leur conjoint ou ex-compagnon a augmenté en 2019 avec 146 victimes, soit 25 de plus que l'année précédente. Une situation dénoncée par plusieurs associations.

Marie Chagneau
Rédigé le , mis à jour le
Des associations s'indignent de l'augmentation des féminicides en 2019
© Stefano Gasparotto / FOTOLIA

« C’est catastrophique, consternant et scandaleux, s’indigne le Dr Gilles Lazimi, membre du collège de la médecine générale. Depuis la première étude des violences faites aux femmes en 2006, les chiffres sont toujours à peu près les mêmes. Il y a un consensus dans la population pour protéger les femmes mais il n’y pas d’action efficace ».

Le nombre de femmes tuées par leur conjoint ou ex-compagnon a augmenté en 2019 avec 146 victimes, soit 25 de plus que l'année précédente. Cela représente en moyenne un décès tous les deux jours.

Le Dr Gilles Lazimi, engagé contre les violences conjugales et contre toutes les violences faites aux femmes et aux enfants, ne décolère pas face aux chiffres annoncés le 17 août 2020 par le ministère de l’Intérieur.

Un décès tous les deux jours

Pour le docteur Lazimi, ancien membre du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, l’Etat est le premier responsable : « Je suis très en colère ! Il y a beaucoup de bonne volonté, beaucoup de discours et peu d’action. Par exemple, le gouvernement communique énormément sur le numéro d’appel dédié aux victimes, (le 39 19, NDLR), mais à quoi sert ce numéro d’urgence si on classe les affaires, si on accueille mal les femmes au commissariat, si on ne leur propose aucune solution d’hébergement ? » observe le médecin.

"Une partie visible de l'iceberg"

 « Ces chiffres sont très graves et effrayants car ils ne sont que la partie visible de l’iceberg » analyse Ernestine Ronai, responsable de l’Observatoire des violences envers les femmes du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis. « Avant d’être tuées, les femmes sont la plupart du temps victimes de premières violences (insultes, menaces verbales, humiliations, bousculades, gifles etc.). Si l'on n’agit pas dès ces premières violences, l’engrenage se met en route et on arrive à un féminicide » constate Ernestine Ronai.

"Il faut de vraies enquêtes"

Parmi les mesures souhaitables selon cette spécialiste, il faudrait un changement dans les dépôts de plaintes : « 81 % des femmes ne révèlent pas les violences subies. Quand les femmes font des révélations, il faut de vraies enquêtes. Il faut croire les femmes. La présomption d’innocence est importante mais il faut aussi une présomption de crédibilité des femmes ». Une fois les témoignages recueillis, « nous manquons de forces de sécurité, de magistrats et de greffiers pour que les procédures aillent plus vite » observe également la responsable de l’Observatoire des violences envers les femmes du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis.

Des lois qui ne sont pas appliquées

« On pond de nouvelles lois alors que les lois existantes ne sont pas appliquées » analyse le Dr Gilles Lazimi. « Les lois peuvent améliorer la situation mais elles sont insuffisamment appliquées, renchérit Ernestine Ronai. « Par exemple, en 2014, l’Etat a mis en place des « téléphones grave danger » (un dispositif judiciaire qui permet une géolocalisation et une intervention des force de l’ordre en cas de danger imminent, NDLR). C’est une bonne mesure qu’il faut généraliser. Il faut des moyens à cette généralisation »

"Pas de rappels à la loi systématiques"

Selon le docteur Lazimi, il faudrait prendre plusieurs mesures fortes parmi lesquelles, engager « un milliard d’euros pour lutter contre les violences, proposer des hébergements d’urgence pour les femmes victimes, faire des ordonnances de protection et des rappels à la loi systématiques, punir les auteurs, attribuer de réels moyens aux associations de défense des victimes etc. » Autre exemple de mesure : la formation de tous les professionnels en contact avec les femmes victimes de violences. « Ca fait 20 ans qu’on parle de formation des professionnels aux violences faites aux femmes mais rien ne se fait ! » souligne le médecin.

Sortir des violences, un parcours difficile

Face aux chiffres communiqués le 17 août 2020, le docteur Lazimi ne perd pas espoir. « J’espère que la nouvelle ministre chargée de l’égalité entre les hommes et les femmes Elisabeth Moreno (nommée en juillet en replacement de Marlène Schiappa, NDLR) va taper du poing sur la table » lance-t-il. « J’attends qu’elle sorte de la politique politicienne et fasse en sorte que l’on protège réellement les victimes ».

« Le parcours de sortie des violences conjugales est très compliqué, très difficile mais si tous les maillons de la chaîne ont les moyens de bien faire leur travail, il est possible pour une femme victime de retrouver sa vie d’avant » note Ernestine Ronai. « Pendant le confinement, il y a eu une campagne d’information forte : les femmes victimes ont davantage appelé à l’aide. Et il y a eu plus d’interventions. Ce qui prouve quand il y a une vraie volonté politique, on peut améliorer la situation. »