Atteinte sexuelle sur mineur : "Un message d'impunité pour les violeurs"

Un homme de 28 ans est poursuivi pour "atteinte sexuelle" pour avoir eu une relation avec une fillette de 11 ans. La famille demande la requalification des faits en "viol". Muriel Salmona, psychiatre a réagi sur le plateau du Magazine de la Santé.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le
Entretien avec le Dr Muriel Salmona, psychiatre
Entretien avec le Dr Muriel Salmona, psychiatre

Le procès n'aura lieu qu'en 2018 mais l'affaire provoque déjà de nombreuses réactions. En effet, après l'agression sexuelle d'une fille de 11 ans par un inconnu de 28 ans, sa famille avait porté plainte pour viol, décrivant une enfant tétanisée, incapable de se défendre. Mais finalement, les enquêteurs ont requalifié les faits en "atteinte sexuelle" considérant que cette relation était consentie. En effet, selon eux, aucune contrainte physique n'a été exercée sur la mineure. 

Cette requalification des faits révolte les professionnels de l'enfance et les associations. Entretien avec le Dr Muriel Salmona, psychiatre et présidente de l'association Mémoire Traumatique et Victimologie.

  • Que vous inspire cette affaire ?

Dr M. Salmona, psychiatre et présidente de l'association Mémoire Traumatique et Victimologie : "Je suis extrêmement choquée. C’est catastrophique pour la victime. C’est vraiment un message d’impunité pour les violeurs en quelque sorte. On avait déjà alerté de ce problème car c’est possible à cause d’une faille législative qui ne fixe pas d’âge de consentement des victimes. Or, nous demandons que, comme dans beaucoup de pays, il y ait une présomption irréfragable d’absence de consentement en dessous de 15 ans. Même en dehors de cette absence de loi, le Parquet aurait pu qualifier les faits de viol avec une notion de contrainte morale qui aurait été déduite de la différence d’âge de la victime et l’impact traumatique qu’aurait présenté la fillette."

  • À 11 ans, une fillette dans cette situation comprend-elle les enjeux ?

Dr M. Salmona : "Bien-sûr que non. Elle n’a pas du tout le développement psychoaffectif, émotionnel, le discernement, la connaissance pour pouvoir décider d’un acte sexuel. Elle ne connaît pas les conséquences qui peuvent être gravissimes pour elle. Si cette fillette de 11 ans a déjà ses règles, elle peut se retrouver enceinte. Elle a un risque de développer des infections sexuellement transmissibles. Et surtout, il y a un impact traumatique connu des actes sexuels sur les enfants."     

  • L'un des arguments en faveur de la requalification est la peur de ne pas pouvoir prouver le viol et donc de risquer un non-lieu. Cela vous paraît-il audible comme argument ?

Dr M. Salmona : "Absolument pas. Dans ce cas-là, il n’y a même pas eu d’instruction judiciaire. Là, il faut absolument une cour d’assises qui peut vraiment permettre une recherche très précise. Et puis, il faut tenir compte, ce qui n’est suffisamment fait, de cette notion de contrainte morale. Le viol est défini par tout acte de pénétration par violence, contrainte, menace ou surprise. La contrainte morale aurait parfaitement pu être définie. Il faut recherche l’état de sidération.

"On sait que, pour des adultes et encore bien plus pour des enfants, une situation de viol entraîne une incapacité pour la victime à se défendre, à crier, à réagir. Les enfants se dissocient extrêmement rapidement. Ils sont complètement déconnectés. Devant la police, ils paraissent complètement à côté de la plaque, indifférents et ils peuvent être considérés comme n’ayant pas eu d’impact traumatique. En réalité, cette dissociation, cette anesthésie, est un signe de gravité. On aurait pu aussi faire valoir la surprise.

"Pour cette petite, ça a basculé d’un seul coup. Elle le décrit bien. Elle était contente parce qu’un adulte de 28 ans s’intéressait à elle, lui disait qu’elle était jolie. Elle voulait juste un peu de reconnaissance, d’affection. D’un seul coup, elle a vu que ça basculait. Ça aussi c’était un effet de surprise pour un enfant qui n’a aucune connaissance de la réalité de ce qui va se passer. Je m’étonne aussi que des magistrats ne puissent pas prendre en compte la violence de ce que représente une fellation imposée à un enfant de 11 ans ou une pénétration vaginale. Le fait en lui-même est une violence. Tous les éléments qui qualifient le viol sont là. C’est juste intolérable."