Non, le vaccin contre la polio n’a pas causé de nouvelle épidémie

La récente annonce de cas de polio "dérivés d'un vaccin" au Soudan a déclenché une vague de publications trompeuses sur les réseaux sociaux. Mais ces cas concernent justement les personnes non vaccinées. Décryptage.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Image d'illustration. Un enfant reçoit une dose de vaccin oral contre la poliomyélite en Thaïlande.
Image d'illustration. Un enfant reçoit une dose de vaccin oral contre la poliomyélite en Thaïlande.  —  Crédits Photo : © Shutterstock / frank60

"L’ONU forcée d’admettre que le vaccin financé par Bill Gates est à l’origine d’une épidémie de polio en Afrique." Voilà le message qui a circulé dans plusieurs médias et sur les réseaux sociaux ces derniers jours à propos des nouveaux cas de poliomyélite, une maladie virale paralysante, enregistrés au Soudan. Mais attention, ces publications simplistes, voire complotiste, sont trompeuses et l’explication est en réalité plus complexe.

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13 cas de polio au Soudan

Revenons au 25 août 2020 : l’Organisation mondiale de la santé (OMS) annonce que le poliovirus sauvage, virus responsable de la polio, est éradiqué du continent africain. Cette date "historique" pour l’OMS a pu être atteinte grâce aux campagnes de vaccination par un vaccin oral (VPO), qui ne nécessite pas de rappel et qui est moins cher que le vaccin injectable.

Mais deux jours plus tard, le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'Onu (Ocha) au Soudan, rapporte la découverte "d'au moins 13 cas de polio" et créé la surprise. L’Ocha et l’OMS précisent alors que ces cas recensés ont été causés par un "poliovirus de type 2 dérivé d’un vaccin".

Poliovirus "sauvage" / "dérivé"

Que signifient ces termes ? Pour bien comprendre, il faut d'abord différencier les poliovirus sauvages - les agents pathogènes originels de la maladie - des poliovirus circulants dérivés d’un vaccin ou PVDVc.

Les premiers ont bien été éradiqués du continent africain grâce à la vaccination et ne sont à l’heure actuelle plus présents qu’en Afghanistan et qu’au Pakistan.

Les seconds sont issus de mutation rare du virus contenu dans le vaccin administré par voie orale. Mais les personnes contaminées ne sont pas celles qui ont reçu le vaccin. Au contraire, ce sont les personnes non immunisées qui n’ont jamais été vaccinées.

Une contamination par les selles

Comment ont-elles été contaminées ? "Le vaccin est constitué d'un virus dont la virulence a été atténuée pour qu'il ne puisse induire une maladie" rappelle à l’AFP Richard Mihigo, coordinateur des programmes d'immunisation et de vaccination pour l'OMS en Afrique. "Lorsqu'il est administré par voie orale, (...) il y a ensuite une excrétion du virus vaccinal par les selles", poursuit-il. Et dans des zones où les conditions d'assainissement sont mauvaises, il arrive que ces virus excrétés circulent.

C’est d’ailleurs de cette manière que les enfants acquièrent parfois au contact de cet environnement une "vaccination passive", qui les immunise. Mais "dans des cas extrêmement rares, ce virus de souche vaccinale peut muter et redevenir virulent, pouvant (…) causer des paralysies", résume Richard Mihigo.

Un danger pour les non vaccinés

Les contaminations par le poliovirus dérivé sont donc "le fait d'un manque de couverture vaccinale " et ne correspondent pas à "un effet secondaire de la vaccination", estime Oliver Rosenbauer, porte-parole de l’Initiative mondiale d'éradication mondiale de la polio (GPEI). "Lorsqu'une population est bien immunisée, elle est protégée contre ces deux types de virus", assure de son côté l'OMS. Actuellement, ce sont donc dans les communautés sous-vaccinées que les flambées de poliovirus dérivés d’une souche vaccinale se déclarent.

1.271 cas en 10 ans

Mais quelle est l’importance de ces flambées ? Selon l’OMS, ce virus dérivé a contaminé 1.271 personnes dans le monde sur les dix dernières années. Un nombre faible rapporté aux 10 milliards de doses de vaccin oral (VPO) administrées sur la même période, et aux "énormes avantages associés au VPO", selon la GPEI. C’est pour cela qu’il est trompeur d’affirmer que le vaccin oral est un vecteur de la maladie puisque c’est ce vaccin qui a contribué à réduire le nombre de cas de polio de plus de 99% depuis 1988.

Bientôt un nouveau vaccin plus stable

Mais si le risque associé au poliovirus dérivé est faible, il reste problématique, d’autant que le nombre de cas est en hausse ces dernières années : 368 cas ont été recensés en 2019, contre 104 en 2018 et 96 en 2017.

Alors, pour pallier tout risque de mutation, un nouveau vaccin baptisé nVPO a été développé. Ce vaccin, "génétiquement plus stable", "ne peut se modifier génétiquement pour retrouver sa virulence et ne va pas créer de nouvelles souches", assure Richard Mihigo. Il sera introduit "d’ici fin septembre, début octobre" et "remplacera à terme le vaccin actuel".