Quel rôle jouent les cellules foetales sur le corps de la mère ?

Grâce au placenta, mère et enfant communiquent en continu pendant la grossesse. Et il peut arriver que le fœtus transmette à sa mère certaines de ses cellules, via le sang. Quelles conséquences ont ces cellules lorsqu'elles restent plusieurs années dans le corps de la maman ?

La rédaction d'Allo Docteurs
La rédaction d'Allo Docteurs
Rédigé le
La transmission de cellules du fœtus à la mère est appelée microchimérisme fœtal (Image d'illustration)
La transmission de cellules du fœtus à la mère est appelée microchimérisme fœtal (Image d'illustration)

Pendant la grossesse, la future maman partage tout avec son enfant : nutriments, oxygène,... Mais le fœtus peut aussi partager avec elle ses propres cellules. Certaines d'entre elles en effet circulent dans le sang de la mère et, lorsqu'elles passent entre les mailles du système immunitaire, se logent dans les tissus. Poumons, seins, cœur ou encore cerveau de la future maman peuvent alors abriter les cellules du bébé, parfois pendant des décennies. Ce phénomène, appelé microchimérisme fœtal est connu depuis plus d'un siècle.

Ces cellules fœtales ont-elles un effet néfaste ou bénéfique pour la maman ? La question est débattue depuis des années au sein de la communauté scientifique. Pour la première fois, une équipe de recherche américaine a passé en revue près de 120 études pour répondre à cette question cruciale. Leurs travaux sont publiés le 28 août 2015, dans la revue BioEssays.

Conclusion : ce don du fœtus apporterait à la mère son lot de bonnes et mauvaises choses, que les chercheurs appellent la "coopération et le conflit". Les effets des cellules fœtales sont classés en trois catégories : bénéfiques, néfastes ou neutres.

Quels effets positifs ?

L'un des atouts majeurs des cellules fœtales est qu'elles agissent à la manière de cellules souches, capables de se différencier en fonction de l'environnement. Par exemple, elles pourraient être capables, en migrant dans le cerveau, de se transformer en neurone, précisent les chercheurs.

Le microchimérisme fœtal semble principalement avoir un effet réparateur sur les blessures internes et les cicatrices, favorisant la disparition des lésions du foie par exemple. Les cellules fœtales pourraient donc s'avérer bien utiles dans la guérison de la cicatrice liée à la césarienne. Tous ces bénéfices restent pour l'instant au stade d'observation car jusqu'alors aucun mécanisme clair d'action n'a été identifié.

Quelles conséquences néfastes ?

A l'inverse, les cellules fœtales pourraient perturber le système immunitaire de la maman, créant des inflammations persistantes, et à long terme des maladies auto-immunes. Selon les chercheurs, ce dérèglement immunitaire pourrait expliquer pourquoi les femmes souffrent plus de polyarthrite rhumatoïde ou encore de lupus.

Cancers, dépression du post-partum, ménopause précoce… D'autres maladies sont évoquées dans l'étude comme résultant hypothétiquement de l'invasion des cellules fœtales. Cependant, les preuves sont encore fragiles. Actuellement, seules des études de corrélation, et non de causalité, permettent d'émettre ces pistes. "Les futures recherches devront utiliser des méthodes plus précises pour détecter le cellules fœtale et déterminer leurs fonctions", rappelle l'étude.

De nombreuses interrogations subsistent quant au rôle passionnant du microchimérisme fœtal. Que se passe-t-il quand les cellules fœtales du premier enfant rencontrent celles du deuxième ? Héritons-nous des cellules fœtales de nos parents, de nos frères, de nos sœurs ? Une chose est sûre, les cellules fœtales restent un sujet à explorer...

---

Source : Fetal microchimerism and maternal health: A review and evolutionary analysis of cooperation and conflict beyond the womb. A. Boddy et al. BioEssays, 2015. DOI 10.1002/bies.201500059

Le terme de microchimérisme fœtal vient de chimère, cette créature hybride de la mythologie grecque, composée de diverses parties d'animaux (tête de lion, corps de bouc, queue de serpent par exemple).

Ce phénomène n'est pas observé que chez l'homme, mais aussi chez de nombreux animaux comme la vache, le chien ou encore la souris.