Bioéthique : l'Église s'invite dans les débats

Depuis janvier 2018, les Etats généraux de la bioéthique sont fortement monopolisés par des associations militantes et pas assez par les citoyens lambda déplore le CCNE. 

La rédaction d'Allo Docteurs
La rédaction d'Allo Docteurs
Rédigé le , mis à jour le
Chronique de Rudy Bancquart du 10 avril 2018
Chronique de Rudy Bancquart du 10 avril 2018

Jeudi 5 avril 2018, le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) a lancé un ultime appel. Il invite vivement les citoyens à participer aux débats afin de diversifier les points de vue. Les échanges seraient en effet monopolisés par de nombreux militants catholiques.

L'Eglise française n'a pas lésiné sur les moyens pour former ses fidèles. Un livret d'information pour "comprendre les enjeux de la révision des lois de bioéthique" de 56 pages édité à 120.000 exemplaires a été distribué dans les paroisses et sur les bancs de l'Assemblée. Des vidéos d'information sont aussi accessibles sur YouTube.

L'Eglise veut faire entendre sa voix

L'Eglise veut faire entendre sa voix. Auparavant, des représentants du culte siégeaient au Comité consultatif national d'éthique mais en 2013, François Hollande les a exclu. Il les a remplacé par des laïcs spécialistes de la religion. Aujourd'hui, Cynthia Fleury siège au CCNE pour sa connaissance du judaïsme, Marion Muller-Colard pour les protestants, Abdennour Bidar pour les musulmans et Dominique Quino pour les catholiques. Mais ils ne sont pas des religieux.

L'Eglise n'est pas satisfaite de cette nouvelle forme de représentation. Elle vit mal le fait de n'être plus associée aux grandes questions de société biomédicales comme elle a pu l'être en son temps sur l'avortement ou sur la fin de vie. Ces sujets sont importants pour l'Eglise qui souhaite partager son avis. Elle est contre l'ouverture de la PMA aux couples de femmes, contre la GPA, et ne souhaite aucune évolution sur la fin de vie, la dernière loi qui inclut la sédation profonde va déjà trop loin pour elle.

Des auditions menées par le CCNE

Le Comité consultatif national d'éthique procède également à des auditions et l'Eglise devrait être prochainement entendue. Le président de la Conférence des évêques, Mgr Pontier sera bientôt auditionné. L'Eglise peut aussi compter sur de nombreuses associations religieuses comme "Les médecins catholiques" ou encore "Alliance Vita" pour défendre ses idées dans ces auditions. Mais pour l'Eglise, cela ne suffit pas car des associations aux positions contraires seront aussi entendues.

Pour se faire entendre lors de ces Etats généraux de la bioéthique, l'Eglise va donc agir en coulisses comme un lobby. Mais elle est obligée de réinventer ses méthodes de lobbying. Pendant longtemps, elle avait des relais au sein de l'Assemblée nationale. Certains députés avaient leur entrée à Sainte Clotilde, l'église située derrière l'Assemblée nationale qui accueille le Service pastoral d'études politiques (SPEP) créé par Mgr Lustiger. Ce service a pour but de nouer des liens avec les parlementaires. Mais le SPEP est déserté par les députés. 75% de l'Assemblée nationale a été renouvelée et l'Eglise ne sait pas comment approcher les nouveaux députés qui semblent avoir une fibre religieuse moins épaisse que leurs prédécesseurs.

L'Eglise, un lobby comme les autres ?

L'Eglise est-elle un lobby ? Cette question met en ébullition toute la presse catholique. L'Église refuse qu'on la qualifie de lobby car selon Mgr Antoine Hérourad, "elle est universelle". Pourtant, elle agit bien en coulisses pour essayer de modifier la loi au nom d'un groupe particulier : les chrétiens. C'était d'ailleurs le but d'un dîner de la Conférence des évêques organisé au collège des Bernardins à Paris. L'objectif était de parler à l'oreille du Président sur des sujets de bioéthique comme la PMA pour les femmes de même sexe, une mesure qui figurait dans le programme du candidat Macron. Une méthode qui ne ravit pas le CCNE.

Aujourd'hui, il est difficile de connaître la position d'Emmanuel Macron vis-à-vis des religions. Pourtant, sa majorité est parfois loin des préoccupations de l'Eglise. Sur le thème de la fin de vie par exemple, des députés En Marche militent pour le suicide assisté. Mais le Président prend soin de ménager l'Eglise car il sait que son influence en France n'est pas négligeable. Lors des manifestations contre le mariage pour tous, il a pu constater qu'elle était encore capable de mobiliser. S'agit-il d'une stratégie politique pour calmer les évêques ou serait-il sensible au lobbying de l'Eglise sur ces questions de bioéthique ? Réponse à la fin de l'année lors de la révision des lois.

Vous pouvez encore participer aux Etats généraux de la bioéthique en vous rendant sur la plateforme Internet dédiée.