Lobby : "Quand les emplois priment sur la santé publique"

Dans une lettre adressée à la ministre de la Santé, François Rebsamen défend la vente libre des vasoconstricteurs utilisés pour combattre le rhume.

Rudy Bancquart
Rédigé le
"Lobby : comment Urgo défend ses intérêts", chronique de Rudy Bancquart du 10 octobre 2017
"Lobby : comment Urgo défend ses intérêts", chronique de Rudy Bancquart du 10 octobre 2017

Selon une information publiée dans le Canard Enchaîné en juillet 2017, le maire de Dijon François Rebsamen a adressé une lettre à la ministre de la Santé Agnès Buzyn, pour défendre la vente libre des vasoconstricteurs utilisés pour combattre le rhume... contre l'avis de nombreux scientifiques! En effet, dans ce courrier, l'ancien ministre du Travail conteste l'Agence de sécurité du médicament qui envisagerait de réserver ce genre de médicaments à la prescription sur ordonnance en raison des "effets indésirables graves".

L'ANSM n'est d'ailleurs pas la seule à mettre en garde contre ces médicaments en vente libre. La revue Prescrire, revue médicale indépendante, considère que "les effets indésirables (de la pseudoéphédrine), notamment cardiovasculaires, sont parfois graves". Le Pr Jean-Paul Giroud, pharmacologue membre de l'Académie de médecine, lui en a fait son cheval de bataille depuis quelques années.

Si le message des scientifiques est donc clair sur le sujet, le maire de Dijon, lui, persiste et signe dans sa lettre envoyée à la ministre de la Santé. Selon François Rebsamen, "ce soin de premier recours a montré son efficacité" et "aucune augmentation du risque d'infarctus du myocarde et ou d'accident vasculaire cérébral associé aux vasoconstricteurs" n'a été constatée.

François Rebsamen vole au secours d'Urgo

Dans son courrier, ses motivations sont à peine voilées. Si ces médicaments potentiellement dangereux n'étaient plus en vente libre dans les pharmacies,  cela entraînerait "une perte du chiffre d'affaires annuel de douze millions d'euros pour les laboratoires Urgo" qui se trouvent... à Dijon. Contacté par nos soins, François Rebsamen a expliqué seulement vouloir aider le laboratoire de sa commune. Il affirme également avoir pris pour argent comptant les études présentées par Urgo qui montraient l'innocuité des produits et souhaite désormais se ranger à l'avis de l'ANSM.

Cette histoire n'a rien d'illégal. Le lobbying est tout à fait autorisé en France. Il peut d'ailleurs dans certains cas être utile. François Rebsamen veut défendre les intérêts de sa commune et les emplois. Mais lorsqu'il s'érige en chantre de la médecine, il sort de son rôle. D'autant plus qu'il n'a pas pris le temps de vérifier ce que lui disait le laboratoire pharmaceutique. Cette histoire, qui donne l'impression que les emplois priment sur la santé publique, contribue à l'image néfaste du lobbying.