Médicaments périmés : encore trop de gaspillage

La péremption d'un médicament est comparable à la date limite de consommation pour un aliment. Il s'agit de la date à partir de laquelle on est censé ne plus l'utiliser, le "prendre". Comment est fixée la date de péremption marquée sur la boîte ? Quels sont les risques à consommer des médicaments périmés ? Les explications avec le Pr Alain Astier, pharmacologue.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le

Un médicament contient un principe actif, par exemple le paracétamol, qui est mis sous une forme pharmaceutique adéquate (comprimé, gélule…), le tout dans un conditionnement dit secondaire (flacon, plaquette, ampoule etc.). Dans le temps, le principe actif va se dégrader progressivement, souvent sous l'influence de traces d'humidité, de la lumière, de la chaleur, de l'air. C'est un phénomène en général lent que l'on peut représenter par une courbe pourcentage restant en fonction du temps. On parle de cinétique de dégradation.

Au moment de la fabrication, le comprimé va contenir 100% de la teneur dite nominale en principe actif (celle qui est marquée sur la boîte). Puis, dans le temps, on va observer une dégradation progressive. C'est ce que l'on appelle la stabilité d'un médicament. On définit en général la péremption maximale ou limite de stabilité quand il ne reste plus que 90% de cette valeur, soit une perte de 10%.

On peut donc utiliser le médicament entre la date de fabrication et la date de péremption. Car on considère que, du fait de la variabilité physiologique de la réponse entre individu, même si on ne prenait que 90% de la dose théorique cela ne posera pas de problème, sauf pour des médicaments à marge thérapeutique étroite pour lesquels la tolérance est souvent plus stricte.

Comment est fixée la date de péremption ?

C'est le laboratoire qui, lors de la demande d'autorisation de mise sur le marché (AMM), propose une date de péremption. Très souvent, cette date ne correspond pas à une perte aussi importante en principe actif et on trouve très fréquemment des dates de péremption entre trois et cinq ans artificiellement fixées qui ne correspondent pas du tout à 10% de perte (limite maximum de stabilité). Mais très généralement, on observe avec de très nombreux principes actifs plutôt une courbe avec une très faible dégradation même après cinq ans. La date proposée est donc plus basée sur un principe de précaution ou sur des considérations logistiques et économiques.

La dégradation est continue et lente. Donc, si on dépasse de quelques mois la date de péremption, même dans le cas extrême où celle-ci serait celle qui correspond à la limite de stabilité (90%), il resterait encore 88-89% ! En pratique, comme la date de péremption est souvent très inférieure à celle de stabilité, il n'y aura aucun problème.

Trop de gaspillage de médicaments

Si on suit la date de péremption du laboratoire, on jete des médicaments encore bons. Il s'agit d'une source très importante de gaspillage. Cela a bien été montré par une étude de l'armée américaine qui a montré que pour de nombreux médicaments, il y avait une très grande différence entre la stabilité réelle et celle sous-entendue par la durée de péremption affichée.

Il y a là un véritable enjeu qui serait d'avoir des dates de péremption nettement plus allongées. Cela serait très utile pour les médicaments dits innovants, très onéreux à plus de 600 euros la gélule. C'est un sujet que nous connaissons bien dans le service et sur lequel nous travaillons beaucoup.

Respecter les conditions de conservation

La chaleur est une des causes de dégradation d'un médicament. Si vous conservez votre comprimé à une température élevée, il se dégradera plus vite. De même si l'emballage secondaire n'est plus étanche, l'oxygène et l'humidité vont entrer librement et accéléreront parfois très vite la dégradation (produits sensibles à l'humidité, par exemple comprimés effervescents, aspirine, des antiacides comme l'oméprazole). Or, dans la pratique il est courant de voir des mauvaises conditions de conservation qui ne permettent plus d'utiliser valablement la date de péremption.

En pratique, il faut donc conserver l'intégrité du conditionnement le plus possible. Bien refermer les tubes et flacons, conserver les boîtes ou les plaquettes entières pour garder la date de péremption (ne pas découper les plaquettes) et remettre dans la boîte d'origine. Il est aussi conseillé de conserver le plus au frais possible, à l'abri de la lumière et de se rappeler que, si on a conservé normalement son médicament (et après avis du pharmacien), on peut l'utiliser très généralement quelques mois après la date limite sans trop de risques. Mais il faut faire très attention avec les antibiotiques, les collyres, les gouttes et plus, généralement avec les médicaments à marges thérapeutiques étroites : Lévothyrox®, antiépileptiques, immunosuppresseurs, anticancéreux.

Pour les produits à conserver au froid (vaccins, certains médicaments injectables de type protéines utilisés par exemple dans les maladies auto-immunes, insuline…), une congélation accidentelle peut être très embêtante. En revanche, une rupture brève de la chaîne du froid est très généralement sans danger. Par exemple : un vaccin acheté à la pharmacie peut être transporté à température ambiante le temps des courses puis après stocké au frigo. Un sac isotherme est inutile.

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