Des médecins réclament l'assouplissement de la législation sur le cannabis thérapeutique

Dans une tribune, des spécialistes dénoncent le statu quo français en matière de recherche sur le cannabis médical. Les signataires exhortent la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, à "aller plus vite" pour faire bouger les choses.

Héloïse Rambert
Rédigé le , mis à jour le
Des médecins réclament l'assouplissement de la législation sur le cannabis thérapeutique
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"Combien de temps la France va-t-elle persister à cultiver son retard ?", s’agacent dans les pages du Parisien du 8 juillet 2018, des médecins, élus et écrivains. "Produire du cannabis pour un usage thérapeutique en France n’est plus une option mais une nécessité", assènent-ils. Leur tribune, adressée à la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, dénonce l’éternelle diabolisation en France du cannabis et le lourd arsenal législatif et réglementaire qui l’entoure, paralysant les recherches sur son intérêt en médecine. Les signataires soulignent que déjà trente-trois pays ont légalisé partiellement ou totalement le cannabis à usage thérapeutique.

Un énorme potentiel pour les patients

Le cannabis a pourtant probablement beaucoup à apporter aux malades. Un rapport très complet de ses effets sur la santé a été publié en 2017 par les académies américaines des sciences, d’ingénierie et de médecine. "Des certitudes et preuves substantielles y sont révélées. Elles confirment l’efficacité du produit dans la gestion de la douleur chronique, les troubles physiques provoqués par les chimiothérapies et les spasmes musculaires liés à la sclérose en plaques", peut-on lire dans dans la tribune. "Il y a des publications solides, confirme le Dr William Lowenstein, addictologue, président de "SOS addictions", et co-signataire du texte. "Toutes les études ne se valent pas, mais les travaux sur les épilepsies rebelles de l’enfant sont par exemple assez aboutis", note-t-il.

Le médecin est aussi convaincu de l’intérêt du cannabis de par sa pratique professionnelle. "Nous voyons des patients qui tirent des bienfaits du cannabis, et sont forcés de s’approvisionner en toute illégalité. Et il y a aussi ceux qui consomment du CBD – un des cannabinoïdes- sous formes de e-liquide dans les cigarettes électroniques, qui commencent à arriver sur le marché », explique le médecin addictologue.

Peu d’effets indésirables des cannabinoïdes

En plus d'être intéressant dans différentes pathologies, le cannabis présente souvent moins d’effets indésirables que les médicaments traditionnels. "Sans pour autant s’opposer à la pharmacopée française usuelle qui repose sur différentes classes médicamenteuses dont les opiacées et ses dérivés tels que la morphine, le Tramadol, l’Efferalgan codéiné, l’Oxycontin, etc., utilisés pour le traitement de la douleur, il s’agit d’autoriser l’usage d’un produit alternatif, dont le mode d’action et le mode d’administration tel que la vaporisation n’entraînent quasiment aucun effet secondaire", écrivent les auteurs. Le Dr Lowenstein s’appuie notamment sur l’exemple israélien. "En Israël,  le cannabis permet aux personnes âgées de diminuer leur consommation de médicaments aux effets secondaires problématiques, comme les antiinflammatoires, les antidouleurs et les somnifères."

L’urgence de sortir de l’idéologie et de "se mettre au travail"

Selon les auteurs de la tribune, ce ne sont pas moins de  300 000 patients français qui pourraient apaiser leur souffrance autrement, en toute légalité, grâce au cannabis. Les médecins signataires appellent à faire de nouvelles études et à ouvrir un débat national sur la question. "Devant ce potentiel thérapeutique, on ne peut pas faire l’économie d’un vrai travail scientifique. C’est une perte de chance et de confort pour nos patients."

La tribune insiste sur la nécessité de cesser de considérer l’usage du cannabis comme dangereux, en le réduisant à la catégorie des substances prohibées. "Il y a matière à distinguer les molécules de la plante en faisant preuve de pédagogie auprès du public et des élus. Certains d’entre eux se contentent encore d’observer le cannabis sous le prisme de ses effets récréatifs et de l’économie délictuelle qu’il génère », peut-on y lire. "En matière de cannabis, la plus grande des toxicomanies à redouter, c’est celle des idées reçues ", assure le Dr Lowenstein.

La ministre de la Santé ouverte à une évolution de la situation

Le 24 mai 2018, Mme Agnès Buzyn, ministre de la Santé, a déclaré vouloir ouvrir ce débat national sur le cannabis à usage thérapeutique qu’elle souhaite enrichi d’études approfondies, précisant le retard évident que la France avait pris sur cette opportunité." Il n’y a aucune raison d’exclure, sous prétexte que c’est du cannabis, une molécule qui peut être intéressante pour le traitement de certaines douleurs très invalidantes", a-t-elle ajouté.

Les Français veulent aussi faire bouger les choses  : Selon la récente enquête de l’Ifop, 82 % des sondés sont favorables à l’usage du cannabis sur prescription médicale, 73 % sont convaincus du devoir de l’Etat dans le financement de la recherche sur les usages thérapeutiques du cannabis, et 62 % considèrent que le cannabis médical doit être enfin accessible sous toutes ses formes voire même remboursable par la Sécurité sociale.