Les prothèses auditives diminueraient le risque de démence

Pour les acteurs économique du secteur, mieux rembourser ces dispositifs auditifs réduirait les coûts liés à la prise en charge de ces pathologies. 

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Entretien avec Philippe Metzger, audioprothésiste
Entretien avec Philippe Metzger, audioprothésiste

Le coût d'une audioprothèse est dissuasif pour de nombreux Français : en moyenne, l'appareillage coûte 1.535 euros, dont 958 à la charge du patient, selon le syndicat professionnel UNSAF. Or, d'après des travaux français publiés en début d'année dans la revue Journals of Gerontology, ne pas porter cet appareil est nuisible pour la santé.

"Cela accroît le risque au long cours de présenter une démence ou une dépendance et, [plus spécifiquement] chez les hommes, une dépression", a expliqué à l'AFP la neuropsychologue Hélène Amieva, de l'Inserm Bordeaux, qui a coordonné ces recherches. Selon elle, il est donc utile "de dépister et de traiter la perte d'audition, même si on peut considérer que c'est quelque chose de normal, avec l'âge, d'entendre moins bien".

Les chercheurs ont suivi pendant 25 ans (1989-2015) 3.577 habitants de Gironde et Dordogne âgés de 65 ans ou plus. Des tests des capacités cognitives montrent un déclin significativement accéléré chez ceux qui auraient besoin d'un appareil auditif mais n'en portent pas. Chez les personnes portant un appareil auditif, les risques sont moindres, analogues à celles déclarant ne pas avoir de problème d'audition.

Pour les démences, le taux de démence observé dans le groupe non-équipé en dépit de besoins était supérieur de 18% de celui observé dans les autres groupes. En prenant en compte l'incertitude associée à toute recherche sur un échantillon réduit de la population, les chercheurs estiment que le sur-risque dans la population générale est compris dans une fourchette de valeurs comprise entre 2% et 38%.

Des résultats pour éclairer les politiques de santé publique

Bien que l'étude se contente de dresser un bilan épidémiologique, ses résultats ne sont pas sans implications d'ordre politique ou économique, que n'a pas manqué de faire valoir le syndicat des audioprothésistes (UNSAF).

Invités à s'exprimer par l'UNSAF lors d'une conférence de presse organisée à Paris ce 7 février, des économistes spécialistes de santé ont estimé que ces résultats plaidaient pour un meilleur remboursement.

Partant de l'hypothèse moyenne d'un sur-risque de l'ordre de 18%, Jean de Kervasdoué, du Conservatoire national des arts et métiers, a ainsi expliqué que "le rapport entre le coût d'une audioprothèse et les économies sur les dépenses de santé est de un à dix. C'est rarissime que l'on trouve ce genre de chiffre. C'est le cas par exemple avec la vaccination".

Environ deux millions de Français portent un appareil auditif, a rappelé l'UNSAF, selon qui ils pourraient être "jusqu'à un million de plus", dont deux tiers "susceptibles de s'équiper si le coût était moins élevé". L'organisation professionnelle des audioprothésistes a plaidé pour une réforme en deux temps, qui coûterait 340 millions d'euros par an à l'Assurance-maladie, pour que les appareils soient mieux remboursés dès 2018, et entièrement à partir de 2020.

"On aurait un retour sur investissement, si j'ose dire, qui serait rapide : sur l'échelle d'un quinquennat. Nous savons que chez un patient équipé d'une prothèse, l'économie sur les dépenses de santé commence tout de suite", a expliqué le président de l'UNSAF, Luis Godinho. "On a bon espoir d'être entendus par le gouvernement, mais aucune assurance aujourd'hui. C'est en concertation", a-t-il ajouté.

avec AFP

Emmanuel Macron promettait lors de la campagne présidentielle un "100% de prise en charge" des lunettes, des prothèses dentaires et de l'audition en 2022, "sans augmenter le prix des mutuelles".