Soins psychiatriques sans consentement : que dit la loi ?

Les personnes souffrant de troubles psychiatriques sont susceptibles de se voir imposer des soins sans leur consentement. Comment ces procédures peuvent-elles être mises en oeuvre et par qui ? Les réponses de Me Brigitte Bogucki.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le

D'un colloque qui s'est tenu en juin dernier ressortait qu’en 2018, 100.000 personnes étaient en soins sans consentement. Depuis la réforme de 2011 révisée partiellement en 2013, ces mesures étaient en hausse notable (+24% sur 6 ans). 

Cette mesure reste exceptionnelle et lorsque cela est possible, c’est-à-dire quand les patients en sont capables, leur consentement est requis.  

Toutefois si les troubles mentaux rendent impossible le consentement ET que l’état mental impose des soins immédiats assortis d’une surveillance médicale constante ou régulière, alors il est envisageable qu’une admission en soins sans consentement soit possible. 

L'admission en soins psychiatriques 

La procédure normale d'admission est que cela se fasse à la demande d’un proche (membre de la famille ou tiers proche) qui doit faire une demande écrite avec deux certificats médicaux concordants, émanant de deux médecins différents et de moins de 15 jours.  

En cas d'urgence, lorsqu'il existe un risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade, une procédure permet, à titre exceptionnel, l'admission urgente sur la foi d'un seul certificat médical, qui peut même émaner de l’établissement qui va recevoir le malade. Le patient doit être informé du projet.

Admission en l'absence d'un tiers

S’il y a péril imminent pour la santé de la personne, le directeur d'établissement pourra ordonner l'admission en soins en l'absence de demande d'un tiers et sur la seule base d'un seul certificat émanant d'un médecin n'exerçant pas dans l'établissement d'accueil. Il devra s’être assuré au préalable, qu'aucun familier ou proche n'est susceptible de pouvoir ou vouloir faire office de tiers demandeur aux soins et cela devra apparaître dans la décision. 

Dans ces 2 cas, la décision est écrite et notifiée non seulement au patient mais aussi au Procureur de la République et à la commission départementale des soins psychiatriques. 

L’Etat peut-il, par ses représentants, faire interner une personne ? 

Sur décision du préfet de département ou, à Paris, du préfet de police, l'État peut, à l'encontre des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public, faire interner quelqu’un.

En cas d’urgence, c’est-à-dire de danger imminent pour la sûreté des personnes, une procédure permet au maire ou, à Paris, au commissaire de police, de prononcer l'admission en soins des personnes dont le comportement révèle de troubles mentaux.  

Un certificat médical est obligatoire dans ces deux cas. 

Enfin dernière modalité, le juge, peut, dans le cadre d’une poursuite pénale à l’encontre d’une personne reconnue irresponsable pour cause de trouble mental, prononcer une admission en soins psychiatriques sans consentement, à condition qu’il y ait une expertise psychiatrique au dossier. 

Une période d'observation

Toute admission débute par une période initiale d'observation se déroulant nécessairement en hospitalisation complète. Puis, dans les 24heures suivant l'admission, un médecin réalise un examen somatique complet de la personne et un psychiatre de l'établissement d'accueil établit un certificat médical constatant son état mental et confirmant ou non la nécessité de maintenir les soins.  

Cet examen est réitéré avant les 72 h.  

Lorsque ces deux certificats concluent à la nécessité de maintenir les soins, le second propose la forme de la prise en charge à mettre en œuvre pour le malade pour la suite. En cas de désaccord entre ces certificats, la mesure doit être levée immédiatement. 

Durant cette période initiale d'observation, seules des sorties courtes accompagnées par le personnel de l'établissement sont possibles. 

L’avis du patient est obligatoirement pris, puis le directeur d’établissement prend la décision de maintenir ou non les soins et leurs modalités (hospitalisation, programme de soins…) étant précisé que lorsque la demande est faite par un tiers ou pour péril imminent, il doit suivre les préconisations du psychiatre. 

Qui garantit le droit des patients ? 

Le juge des libertés et l’avocat garantissent le droit des patients. La loi considère que, s’agissant d’une mesure privative de liberté, un juge doit obligatoirement statuer sur le bien fondé de la mesure et le patient doit impérativement être assisté d’un avocat.  

Il peut donc à tout moment saisir le juge des libertés. Même s’il ne le fait pas, le directeur de l’établissement ou le préfet (en fonction des modalités d’admission) a 8 jours à compter du début de la mesure (délai impératif sauf cas exceptionnel à justifier) pour saisir le juge des libertés et celui-ci doit statuer dans les 12 jours du début de la mesure. En cas d’irrégularité, dont il résulte une atteinte à la personne, le juge des libertés doit prononcer la mainlevée de la mesure.  

Une audience a lieu, en général dans l’établissement d’accueil, et le patient doit être présent sauf avis médical motivé. Il est assisté ou représenté par un avocat, le plus souvent il s’agit d’un avocat de permanence.

La décision du juge des libertés est-elle susceptible d’appel ?

Si la mesure d’hospitalisation sans consentement se prolonge, une nouvelle audience du juge des libertés devra avoir lieu au moins tous les 6 mois. 

Droits des patients  durant leur hospitalisation

L'article L. 3211-3 du CSP prévoit que la personne admise en soins psychiatriques sans consentement doit être informée, le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état, de la décision d'admission et de chacune des décisions relatives à la prolongation ou à la modification des soins, ainsi que des raisons qui les motivent.  

Dans la mesure où elle peut la supporter, une forme d'information juridique et médicale doit ainsi lui être offerte.  

En outre, dès l'admission du malade ou aussitôt que son état le permet et, par la suite, à sa demande et après chacune des décisions relatives à sa prise en charge, celui-ci doit être informé de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours qui lui sont ouvertes et des garanties qui lui sont offertes en matière de contrôle des mesures de soins par le juge des libertés.  

Il revient au médecin de prouver que cette obligation a été respectée, la simple mention ne suffisant pas.  

Le patient a en outre en permanence le droit :   

  • De communiquer avec le préfet ou son représentant, le président du tribunal de grande instance ou son délégué et le procureur de la République.
  • De saisir la commission départementale des soins psychiatriques et, lorsqu'il est hospitalisé, la commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge de l'établissement.
  • De porter à la connaissance du Contrôleur général des lieux de privation de liberté des faits ou situations susceptibles de relever de sa compétence.
  • De prendre conseil d'un médecin ou d'un avocat de son choix.
  • D'émettre ou recevoir des courriers.
  • De consulter le règlement intérieur de l'établissement et de recevoir les explications qui s'y rapportent.
  • D'exercer son droit de vote.
  • De se livrer aux activités religieuses ou philosophiques de son choix. 

Enfin et c’est très important, dès que la personne est en état d'adhérer aux soins, le principe est que l’hospitalisation sans consentement doit s’arrêter et on doit entrer dans l’hospitalisation ou le programme de soins volontaire.