Anémie : et si c'était la maladie de Biermer ?

Une fatigue importante et récurrente, une perte d'appétit... Des symptômes peu spécifiques qui peuvent pourtant cacher une maladie aux conséquences graves si elle n'est pas détectée assez tôt : la maladie de Biermer.

La rédaction d'Allo Docteurs
La rédaction d'Allo Docteurs
Rédigé le , mis à jour le
Anémie : et si c'était la maladie de Biermer ?

Qu'est-ce que la maladie de Biermer ?

Marina Carrère d'Encausse et Michel Cymes expliquent la maladie de Biermer
Marina Carrère d'Encausse et Michel Cymes expliquent la maladie de Biermer

La maladie de Biermer est une maladie rare, auto-immune plus fréquente chez la femme et qui se découvre souvent vers l'âge de 60 ans. La maladie de Biermer est aussi souvent associée à d'autres maladies auto-immunes comme le diabète, la thyroïdite ou le lupus.

La maladie de Biermer se caractérise par une atrophie de la muqueuse de l'estomac qui peut évoluer vers un cancer gastrique au fil des années si elle n'est pas surveillée.

L'estomac est tapissé à l'intérieur d'une muqueuse et de glandes qui vont sécréter le suc gastrique. C'est lui qui assure en grande partie la digestion des aliments. Il est composé de différents éléments : l'acide gastrique (acide chlorhydrique) qui permet de fractionner les morceaux d'aliments et de tuer la plupart des bactéries et des virus, des enzymes comme par exemple la pepsine qui vont casser les protéines en petits morceaux, des agents anti-acide protecteurs de la muqueuse et enfin ce qu'on appelle le "facteur intrinsèque" qui permet l'absorption d'une vitamine très importante pour l'organisme : la vitamine B12.

Dans la maladie de Biermer, des anticorps s'attaquent à la paroi gastrique et aux cellules de l'estomac qui produisent ce facteur intrinsèque. La vitamine B12 n'est alors plus absorbée. Problème, cette vitamine participe au bon fonctionnement des neurones, d'où la survenue de problèmes neurologiques chez les patients à savoir des troubles moteurs et sensitifs comme des fourmillements. La vitamine B12 est aussi essentielle à la formation des globules rouges. En son absence, les globules rouges deviennent plus gros que la normale et les malades souffrent d'anémie. C'est ce qui explique la fatigue chronique.

Maladie de Biermer : un diagnostic parfois tardif

Elodie a longtemps connu une fatigue chronique avant que le diagnostic de la maladie de Biermer soit enfin posé
Elodie a longtemps connu une fatigue chronique avant que le diagnostic de la maladie de Biermer soit enfin posé

Avec la maladie de Biermer, les patients ont une carence en vitamine B12, essentielle pour la formation des globules rouges. La maladie de Biermer provoque des anémies car le sang est appauvri en globules rouges.

Le diagnostic de la maladie de Biermer est parfois long à établir. Il est pourtant primordial car la maladie de Biermer peut avoir des conséquences graves.

Maladie de Biermer : des patients sous haute surveillance

Pour les patients, il est recommandé de réaliser une fibroscopie de contrôle tous les ans avec des biopsies tous les trois ans
Pour les patients, il est recommandé de réaliser une fibroscopie de contrôle tous les ans avec des biopsies tous les trois ans

En s'attaquant à la paroi gastrique, les anticorps vont entraîner une inflammation de la muqueuse et provoquer son atrophie. Au fil du temps, la muqueuse va, en quelque sorte, se réparer toute seule en produisant des cellules au génome instable. La muqueuse de l'estomac passe ensuite à un stade précancéreux celui de la dysplasie.

Compte tenu du risque cancéreux, la surveillance médicale des patients est primordiale. En plus des dosages de vitamine B12, ils doivent également effectuer des endoscopies digestives de contrôle tous les ans ou tous les deux ans en fonction du stade de la maladie.

L'endoscopie permet de surveiller l'évolution de la muqueuse de l'estomac. "Dans un premier temps, il y a la destruction des glandes par les cellules inflammatoires. Cette phase est assez discrète, il n'y a pas de symptômes. Et cela provoque en quelques semaines, quelques mois, une destruction de ces glandes qui fait que la muqueuse perd une couche. Les glandes disparaissent", explique le Pr Dominique Lamarque, gastro-entérologue. La paroi interne de l'estomac qui sert à le protéger va alors s'atrophier et devenir beaucoup plus fine que chez un patient sain.

Parfois après l'atrophie, la muqueuse peut passer à un autre stade de lésions précancéreuses, la métaplasie intestinale : "Petit à petit, l'estomac se défend moins bien contre les agressions. Et des mutations apparaissent dans la paroi qui font que les cellules qui normalement font des glandes gastriques, vont donner des glandes qui ressemblent à de l'intestin. On parle de métaplasie intestinale. Et cette métaplasie est susceptible de causer le cancer", précise le Pr Lamarque.

Au cours de l'examen, des prélèvements sont effectués sur la muqueuse à neuf endroits différents. La dysplasie est le dernier stade avant le cancer gastrique. Les biopsies permettent de surveiller l'évolution de la métaplasie et de détecter les premiers signes de dégénérescence des cellules. C'est à ce stade d'évolution de la maladie, que le diagnostic est posé dans un cas sur dix : "On sait que les facteurs qui favorisent la survenue du cancer dans l'estomac sont des facteurs généraux. Il y a notamment le tabac, on conseille donc aux patients d'arrêter de fumer et de manger des fruits et légumes. Les recommandations sont assez basiques", prévient le Pr Lamarque.

Si l'endoscopie révèle des lésions cancéreuses localisées, une intervention chirurgicale est nécessaire pour enlever la couche superficielle atteinte. Si le cancer est plus invasif, une chimiothérapie est proposée et dans certains cas, une ablation totale de l'estomac peut être envisagée.