Coronavirus : attention aux symptômes neurologiques

Des signes neurologiques comme des confusions, des encéphalites et des AVC chez des patients atteints du coronavirus font craindre aux médecins un passage du virus dans le cerveau.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le

Fièvre, toux, essoufflement… Les symptômes du Covid-19 ne semblent pas se limiter à ces manifestations cliniques. Les médecins de New York observent de plus en plus des cas de confusion chez des patients Covid-19, au point que ces derniers ne savent plus ni où ils sont, ni quelle est l'année actuelle, rapporte l’AFP.

Cette perte de repères est parfois liée au manque d'oxygène dans le sang, mais chez certains malades le niveau de confusion semble être hors de proportion par rapport au niveau d'affection de leurs poumons.

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Encéphalite, perte de conscience, épilepsie, AVC…

Pour Jennifer Frontera, neurologue à l'hôpital universitaire Langone à Brooklyn, la question se pose de l'impact du nouveau coronavirus sur le cerveau et le système nerveux. Selon la cette spécialiste, l’intervention d’un neurologue est requise pour 5 à 10% des patients Covid dans son hôpital.

Un chiffre probablement "grossièrement sous-estimé", étant donné que de nombreux patients sont sous sédatifs ou sous respirateur, explique-t-elle dans un article de la revue Science publié le 17 avril 2020.  Elle témoigne elle-même d’avoir vu des patients atteints d’encéphalite (une inflammation du cerveau), de crises d’épilepsie, de perte de conscience et même d’accident vasculaire cérébral (AVC).

D’autres cas en Chine et en France

Des études publiées dans des journaux scientifiques commencent également à décrire le phénomène. Dans la revue de l'Association de médecine américaine (JAMA), le 10 avril, des médecins ont rapporté que 36% de 214 patients chinois avaient des symptômes neurologiques. Ces manifestations allaient de la perte d'odorat à des douleurs nerveuses, et jusqu'à des crises convulsives et des AVC.

Même constat Dans le New England Journal of Medicine (NEJM),  où des médecins français à Strasbourg ont décrit le 15 avril que plus de la moitié de 58 patients en réanimation étaient confus ou agités. Et des scanners du cerveau de ces patients ont révélé de possibles inflammations.

Encéphalite virale ou auto-immune ?

Mais comment un virus comme le SARS-CoV-2 peut-il infecter le cerveau et le système nerveux ? Un tel phénomène avait déjà été observé avec d'autres virus, notamment le VIH. Les virus peuvent affecter le cerveau de deux manières principales, explique à l’AFP Michel Toledano, neurologue à la Mayo Clinic dans le Minnesota.

La première manière est par le déclenchement d'une réponse immunitaire anormale appelé "orage de cytokine", qui provoque une inflammation du cerveau : cela s'appelle une encéphalite auto-immune.

La seconde est par une infection directe du cerveau : cela s'appelle une encéphalite virale. Le cerveau est protégé par ce qu'on appelle la barrière hémato-encéphalique : son rôle est de bloquer les substances intruses, mais elle peut être percée.

Certains virologues émettent l'hypothèse que le nez pourrait être la voie d'accès au cerveau. C’est le cas de la docteure Sherry Chou, neurologue au centre médical de l'université de Pittsburgh, interrogée dans l’article de Science. Selon elle, le virus pourrait entrer par le nez, puis vers le haut et par le bulbe olfactif relié au cerveau, ce qui expliquerait la perte de l'odorat. Mais cette théorie n’est pas encore vérifiée, et beaucoup de patients qui perdent l'odorat n'ont pas pour autant de problèmes neurologiques sérieux.

Traquer le virus dans le liquide céphalorachidien

Pour bien comprendre l’origine des symptômes neurologiques, il faudrait détecter le virus dans le liquide céphalorachidien, le liquide qui entoure le cerveau et la moelle épinière. Cela a pour l’heure été fait une fois, chez un Japonais de 24 ans, dont le cas a été décrit le 3 avril dans l'International Journal of Infectious Disease.

Atteint du Covid-19, ce patient avait développé une méningite et une encéphalite, ce qui suggérait que le virus pouvait pénétrer dans le système nerveux central. L’analyse de son liquide céphalorachidien montrait bien des traces du virus. Mais ce type de test n'est pas encore validé et les scientifiques restent donc prudents.

D’autres prélèvements sont nécessaires, mais ils sont difficiles à réaliser sur des patients sous respirateur artificiel. Et comme la majorité meurt, les médecins ont du mal à évaluer les dommages neurologiques. Les patients qui survivent finissent en revanche par consulter des neurologues. "Nous voyons beaucoup de patients dans des états de confusion", confie à l'AFP le docteur Rohan Arora, neurologue à l'hôpital Long Island Jewish Forest Hills. Il affirme que 40% des rescapés du coronavirus sont concernés.

Consulter en cas de confusion

Pour le moment, les médecins ignorent si ces troubles sont durables. Le passage en réanimation est, en soi, créateur de confusion, en particulier à cause des médicaments. Mais le docteur Arora constate que le retour à la normale, pour les patients Covid, semble prendre plus longtemps que pour ceux qui ont survécu en réanimation à une crise cardiaque ou un AVC.

"Tout le monde dit que c'est un problème de respiration, mais cela affecte aussi quelque chose qui nous est très précieux, le cerveau", dit à l'AFP S. Andrew Josephson, chef du département de neurologie à l'université de Californie San Francisco. "Si vous vous sentez confus, si vous avez des problèmes pour réfléchir, ce sont de bonnes raisons de consulter un médecin", ajoute-t-il. "La vieille idée selon laquelle il ne faut venir que si on est à bout de souffle n'est sans doute plus valable."