Caster Semenya, athlète hyperandrogène, refuse de faire baisser son taux de testostérone

La double championne olympique sud-africaine Caster Semenya, hyperandrogène, porte plainte contre la Fédération internationale d'athlétisme

Maud Le Rest
Rédigé le
Caster Semenya, athlète hyperandrogène, refuse de faire baisser son taux de testostérone
© ciamabue on Visual Hunt  

"Il n'est pas juste que certains remettent en cause celle que je suis. Je suis Mokgadi Caster Semenya, je suis une femme, et je suis rapide." Mardi 19 juin, la spécialiste du 800 mètres Caster Semenya a déposé un recours devant le Tribunal arbitral du sport de Lausanne. En cause : les nouvelles règles édictées par la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF), qui imposeront dès le 1er novembre aux athlètes féminines hyperandrogènes de prendre un traitement pour faire baisser leur taux de testostérone. Pour l’IAAF, celles-ci ont en effet un avantage déloyal sur leurs concurrentes.

"La testostérone devient un avantage dans certaines disciplines comme la course"

Pour rappel, l’hyperandrogénie est un désordre hormonal complexe qui provoque une production excessive par les ovaires et les glandes surrénales d’androgènes, notamment de testostérone. Les femmes qui en souffrent présentent un morphotype masculin. Caster Semenya, elle-même hyperandrogène, s’était fait remarquer en 2009 après avoir remporté le 800 mètres aux championnats du monde d’athlétisme, en devançant largement ses concurrentes. Sa féminité avait alors été remise en cause. A l’époque, la Fédération avait exigé que Semenya passe une batterie de tests génétiques, gynécologiques, urologiques, internistes et psychologiques. Le but ? Prouver sa qualité de femme. Ce qu’elle a réussi, si l’on en croit la décision de l’IAAF. En juillet 2010, celle-ci a en effet accepté "les conclusions de la commission d’experts médicaux l’autorisant avec effet immédiat à participer aux compétitions" féminines.

Aujourd’hui pourtant, l’IAAF veut imposer à toutes les athlètes dans sa situation un traitement hormonal, de façon à faire baisser leur taux de testostérone sous 5 nanomoles par litre de sang. Car cette hormone a des effets variables, comme l’expliquait en 2012 le Dr Linh Vu-Ngoc, médecin du sport à la Fédération Française de Triathlon : "La testostérone fait partie de la liste des produits dopants, car c’est un anabolisant qui augmente le développement de la masse musculaire, la force et la puissance... Elle devient un avantage dans certaines disciplines comme la course et un inconvénient dans d’autres comme la gymnastique."

"Un impact considérable sur les droits des genres"

Néanmoins, dans le cas de Caster Semenya, il n’est pas question de produits dopants, puisqu’elle présente des taux de testostérone naturellement élevés. Se pose alors la question des attributs naturels dans le sport, et du deux poids, deux mesures. Comme le résumait la journaliste Titiou Lecoq pour Slate en mai dernier, "si un homme a un taux de testostérone bien plus élevé que la moyenne, il n’est pas disqualifié des épreuves masculines : il est juste trop fort. Et on ne pense pas que cela fausse la compétition". Pour Gregory Nott, l'un des avocats de Semenya, cette affaire "met en cause les droits humains et la discrimination contre les athlètes femmes, avec un impact considérable sur les droits des genres".

En 2015, la sprinteuse indienne Dutee Chand, elle aussi hyperandrogène, avait fait suspendre le règlement de l’IAAF, qui imposait un taux maximal de 10 nanomoles de testostérone par litre de sang. Mais il semblerait qu’aujourd’hui, la Fédération veuille le réhabiliter – et le durcir. "Je suis très fâchée d'avoir été à nouveau placée sous les projecteurs", a déclaré Caster Semenya. "Je veux juste courir naturellement, telle que je suis née."