Tampons, serviettes, cup... lesquels choisir ?

Il existe une grande variété de protections hygiéniques mais les entreprises ne communiquent aucune information sur leur composition.

Maud Le Rest
Rédigé le , mis à jour le
Au même titre que les tampons, la cup peut provoquer des chocs toxiques.
Au même titre que les tampons, la cup peut provoquer des chocs toxiques.  —  ©Intimina on Visual hunt

Il y a un an, le documentaire Tampon, notre ennemi intime d’Audrey Gloaguen était diffusé sur France 5. De nombreuses femmes découvraient à cette occasion l’existence du syndrome du choc toxique (SCT), et réalisaient que très peu d’informations étaient disponibles sur la composition des tampons. Aujourd’hui, les retentissements du documentaire se font encore ressentir. "La prise de conscience a été énorme. Il y a vraiment eu un avant/après", estime Dorothée Barth, créatrice de la marque de tampons bio Jho.

Des dioxines et des phtalates dans les tampons

Le documentaire évoque une étude commandée en août 2016 par le secrétariat d’Etat à la Consommation. Celui-ci fait état de la présence de dioxines (qui comptent parmi les dix substances chimiques les plus dangereuses selon l’OMS), et de phtalates (des perturbateurs endocriniens qu’on retrouve dans le Round Up) dans la composition des tampons. Des ingrédients qui ne sont pas affichés sur les boîtes. Et pour cause : dans la législation européenne, rien n’oblige les fabricants de protections hygiéniques à rendre publique la composition de leurs produits. Ces mêmes fabricants se sont défendus en affirmant que dans un tampon, la présence des substances incriminées est très faible, en oubliant sciemment de préciser qu’une femme utilisera en moyenne 11 000 tampons dans sa vie. Avec, à la clé, une accumulation de dioxines.

Il y a un an, l’eurodéputée Michèle Rivasi a déposé une question à la Commission sur la transparence et l’étiquetage sur la composition des produits hygiéniques. Etait notamment évoquée la présence de phtalates dans les tampons. Mais cette question a été balayée d’un revers de main par la Commission, qui a affirmé qu’elle avait "pris note de la communication des autorités françaises du 4 mars 2016 indiquant que des études récentes n’ont révélé aucun risque pour les utilisatrices et confirme qu’elle n’envisage actuellement pas de mesures réglementaires au sujet des tampons".

Tampons hygiéniques : attention au choc toxique ! Sujet diffusé le 4 avril 2017.

En 2015, une étudiante a lancé une pétition pour réclamer la mention des composants des tampons hygiéniques sur les emballages. Devant son succès fulgurant, la marque Tampax a annoncé en janvier 2017 qu’elle allait rendre publique la composition de ses produits. Aujourd’hui, alors que la pétition est toujours ouverte et qu’elle a recueilli près de 300 000 signatures, Tampax s’est seulement contenté de mentionner ses matières premières (coton, viscose, plastique), sans expliquer de quoi sont faits les colorants, les encres, les additifs et les parfums.

Un risque de syndrome de choc toxique bien présent

Pourtant, les risques sont bien là : "La présence de phalates serait interdite dans un gel douche. Et ici, ces substances rentrent directement en contact avec une des parties les plus sensibles du corps", s’alarme Dorothée Barth. Sans compter le risque de développer un syndrome du choc toxique (SCT), rare, mais présent. Car avec un tampon, "le fluide menstruel est bloqué, il va rester au chaud. C'est donc un milieu de culture formidable et s'il y a cette fameuse bactérie, elle va se mettre à produire une toxine (TSST-1) qui va passer dans le sang", expliquait le microbiologiste Gérard Lina lors d'une conférence de presse en 2016.

Les conséquences d’un SCT peuvent être dramatiques. La mannequin américaine Lauren Wasser, qui a dû se faire amputer d’une jambe en 2012, peut en témoigner. Son calvaire, très médiatisé, a permis de faire la lumière sur un problème plus global : ces dernières années, le nombre de SCT a augmenté de manière inexpliquée. Pour l’instant, plusieurs pistes sont privilégiées : la composition des tampons, leur utilisation prolongée, ou une évolution de la flore vaginale due à l'alimentation. Dans le doute, il est recommandé de ne jamais garder un tampon plus de huit heures d’affilée.

Les serviettes et les cups, pas forcément meilleures élèves

Alors, que faire ? Passer aux serviettes hygiéniques ? L’alternative n’est pas forcément plus sûre. "Même les serviettes sont concernées : elles contiennent des matières absorbantes qui sont des dérivés du pétrole. Ca peut provoquer des irritations, puisque c’est du plastique en contact direct avec la peau !", explique Dorothée Barth. D’après l’association 60 millions de consommateurs par ailleurs, aucune information sur les parfums des serviettes n’a été communiquée par les fabricants.

Et qu’en est-il de la cup, la coupe menstruelle en vogue, supposée plus écologique ? D’après une étude lyonnaise publiée l’année dernière, elle est loin d’être inoffensive. La cup, du fait de son diamètre, plus grand que celui d’un tampon, permet "une arrivée d'air et donc d'oxygène plus importante". Et favorise de fait "la croissance du staphylocoque et la production de la toxine". Un risque que confirme le Dr Elisabeth Paganelli, secrétaire générale du Syndicat National des Gynécologues et Obstétriciens de France (Syngof) : "Retenir le sang dans le vagin plus de quatre heures peut entraîner un toxisyndrome."

On dénombre une vingtaine de SCT chaque année en France. Il entraîne de la fièvre, des éruptions cutanées, une baisse de la tension, et d'autres atteintes potentiellement graves (digestives, musculaires, rénales, etc.). Dans les cas les plus graves, le choc toxique peut entraîner le décès de la patiente. Les États-Unis avaient remarqué en 1980 une augmentation très importante du nombre de SCT causés par modèle particulier de tampon. Ce dernier avait été retiré du marché et permis de changer la réglementation.

Pour le Dr Paganelli, l’arrivée de la cup sur le marché des protections périodiques est avant tout un gros coup marketing. "On dit que la cup est bio… mais qu’est-ce que ça veut dire ? C’est incroyable qu’on puisse affirmer ça", s’agace le Dr Paganelli. Car jusqu’à présent, aucune étude sur la composition de la cup n’a été menée. "Et ce ne sont pas les marques qui vont en commander ! C’est l’Etat qui doit mandater un organisme pour faire une étude", explique-t-elle.

Le bio, la solution ?

A l’heure actuelle, on ne sait pas réellement lequel de ces produits est le plus nocif. Il existe pourtant des tampons et serviettes biologiques, fabriqués avec du coton, à l’inverse des produits de grandes marques, faits à base de cellulose blanchie au chlore. Ils sont disponibles dans certaines enseignes bio. "Mais c’est assez confidentiel, et beaucoup de femmes n’ont pas le réflexe de s’orienter vers ces points de vente", explique Dorothée Barth. Cette ancienne journaliste santé a donc décidé de lancer, avec Coline Mazeyrat, sa propre marque de tampons bio. "Nous avons constaté un énorme besoin de protections hygiéniques saines. Nous avons interviewé plein de femmes. Beaucoup d’entre elles se sentaient démunies face au manque d’informations sur la composition des tampons. Certaines optaient pour la cup, mais ça ne leur plaisait pas, ou ça leur faisait mal au ventre. D’autres mettaient des serviettes, mais ça les grattait. D’autres encore continuaient à mettre des tampons, mais culpabilisaient", raconte-t-elle.

Pour elle, le manque d’informations sur la composition des protections hygiéniques est aussi la conséquence d’un tabou autour des règles, entretenu au fil des années. "J’ai moi-même été journaliste santé. Et pas une fois, dans notre rédaction – qui était pourtant composée de femmes – s’est-on interrogées sur la composition des protections hygiéniques. On parlait de la composition du chocolat, des cosmétiques, on évoquait les parabènes, les phtalates… Mais pas les tampons", regrette Dorothée Barth. Mais l’entrepreneuse ne désespère pas : "On peut remédier à cette situation en éduquant les enfants, et pas seulement les petites filles ! Pour nos grand-mères, les règles étaient hyper tabou. Pour nos mères, un peu moins. J’espère que pour nos filles, ça ne le sera plus du tout !"

Jho, toute nouvelle marque de protections hygiéniques bio, se lance sur le marché lundi 9 avril. Le principe est simple : les commandes se font sur Internet, et, tous les trois mois, la cliente reçoit chez elle assez de protections pour tenir un trimestre. Pour chaque boîte achetée, des dons sont reversés à Gynécologues Sans Frontières et l’ONG W4, dédiée à l'émancipation des femmes.

Dans la même veine, la startup My Holy lance elle aussi un abonnement : tous les mois, ses clientes pourront recevoir des tampons en coton bio, hypoallergéniques, sans viscose, pesticide, chlore ou dioxines. Elle met par ailleurs en place un partenariat avec Kmerpad – une marque de serviettes lavables – au Cameroun.