Pourquoi la cocaïne est dangereuse pour la santé

Selon un rapport de l'OFDT, plus de 1,5% des Français déclarent avoir consommé cette drogue dure au cours de l'année. Quels sont les dangers de cette drogue dite "festive" ? Les explications d'un psychiatre addictologue.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
"Cocaïne : une drogue de plus en plus consommée", chronique du Dr Alice Deschenau, psychiatre en addictologie, du 29 avril 2019
"Cocaïne : une drogue de plus en plus consommée", chronique du Dr Alice Deschenau, psychiatre en addictologie, du 29 avril 2019  —  Crédit photo : ©Fotolia - Orlando Bellini

La consommation de  cocaïne, en forte hausse, touche toutes les catégories sociales. Mais les expérimentations et les usages vont se faire dans des contextes différents. Des usages festifs, récréatifs... mais aussi de performance, notamment professionnelle ou les deux combinés. Sa consommation est en tout cas en augmentation, même si elle ne concerne en expérimentation que 5,5% de la population adulte et 1,6% pour un usage dans l'année.

Une consommation de cocaïne qui se banalise

La cocaïne est la deuxième substance stupéfiante consommée en France derrière le cannabis. La France est troisième en termes d'usage en Europe. Et la plupart des chiffres de suivi de sa consommation sont en augmentation, y compris malheureusement les prises en charge pour overdose. Cela va parfois jusqu'au décès : 75 personnes sont mortes des suites d'une consommation en 2016, soit deux fois plus qu'en 2010.

Pour autant, hormis la forme crack ou free base, son usage est peu perçu comme négatif. Plusieurs facteurs contribuent probablement à cette banalisation. Si on exclut le crack, la cocaïne n'est pas rattachée à un groupe social qui serait mal vu, marginalisé. C'est un psychostimulant, des effets mieux tolérés que des hallucinogènes ou des produits planants.

La cocaïne est aussi de plus en plus disponible – avec une production principale colombienne en très forte hausse - et la vente s'organise par différentes voies : le marché de rue, souvent associé à celui du cannabis ou d'autres produits, et les "cocaïne call center" avec livraison chez les acheteurs qui sont en fort développement, et rendent l'achat moins stigmatisant.

Le craving, symptôme de l'addiction à la cocaïne

Un autre aspect est le type d'addiction liée à la cocaïne. La cocaïne n'est pas un produit qui conduit à un phénomène de dépendance physique avec le besoin d'en prendre tous les jours. L'addiction se manifeste surtout par le craving, ce besoin irrépressible de consommer, qui n'est pas du manque ou du sevrage. Et ce craving se cale assez bien sur un rythme de consommation de week-end notamment. On en consomme le week-end, on a ensuite la descente avec souvent d'autres consommations type cannabis, alcool, calmants pour la supporter et se reposer. Quelques jours de récupération sont ensuite nécessaires.

Puis, le craving commence à apparaître mais il s'insère alors dans les préparatifs du week-end. On a l'impression qu’on interroge en premier lieu ce qu’on va faire, avec qui, mais une partie de notre programmation est orientée par le craving et le fait que les conditions soient réunies pour prendre de la cocaïne. Comme pour les alcoolisations de week-end, on peut mettre du temps à réaliser ce qui se passe.

Aucun médicament pour stopper l'addiction

L'association cocaïne-alcool est d'ailleurs fréquente. La cocaïne masque l'effet de l'ivresse. On peut donc être amené à boire plus facilement. Et surtout l'association des deux génère dans l'organisme le cocaéthylène, une substance psychoactive dont les effets sont plus prolongés et plus toxiques.

En France, la prise en charge est insuffisante. Aucun médicament n'a d'indication pour l'addiction à la cocaïne. Quelques molécules ont montré des réductions de consommation dans des études et peuvent être éventuellement proposées hors autorisation de mise sur le marché. La prise en charge vise surtout à une réduction et gestion des cravings des patients. Il n'est pas rare que des changements dans les fréquentations, les sorties, soient requis. De plus, s'occuper de l'ensemble des consommations est important, en premier lieu avec l'alcool.

Faire le deuil d'une vie festive

Pour certains, cela comprend aussi le deuil de l'intensité de leur vie festive, de before en after pour certains. La cocaïne permet à des adultes qui ont dépassé leurs années de jeunesse, celles qui supportent très bien la dette de sommeil, de maintenir un rythme de sorties et d'activités ne correspondant plus à leurs capacités. Ce sont d'ailleurs les 26-34 ans qui sont les plus touchés, avec environ une personnes sur dix qui en a déjà consommé.

Il ne faut pas banaliser la consommation de cocaïne. Il existe des risques au moment des prises que ce soit en sniff, en injection, en fumant. Attention notamment aux variations de pureté du produit qui peut aller jusque 60% et a doublé en dix ans. Pensez aussi comme toujours à ne pas vous mettre en danger (conduite, actes sexuels, matériel à usage perso, etc.).

Le risque d'addiction n'est pas négligeable. Il existe aussi les conséquences des usages répétés : ORL, cardio-respiratoires, neuropsychiatriques, etc. Prenez soin de vous donc et n'hésitez pas à consulter.