Parkinson : un virus modifié pour soigner

Une thérapie génique expérimentale aurait permis d'améliorer temporairement la motricité et la qualité de vie d'une quinzaine de patients atteints d'une forme évoluée de la maladie de Parkinson. Les résultats de ce premier essai clinique ont été publiés le 10 janvier 2013, dans la revue médicale britannique The Lancet.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Photo : Un ''cheval de Troie'' à base… d'un virus équin ! (La Procession du cheval dans Troie, par Giambattista Tiepolo, vers 1760) - Vidéo : entretien avec le Pr Stéphane Palfi, neurochirurgien à l'hôpital Henri-Mondor (Créteil)
Photo : Un ''cheval de Troie'' à base… d'un virus équin ! (La Procession du cheval dans Troie, par Giambattista Tiepolo, vers 1760) - Vidéo : entretien avec le Pr Stéphane Palfi, neurochirurgien à l'hôpital Henri-Mondor (Créteil)
Section du virus de l'anémie infectieuse équine. (source : USDA's Animal and Plant Health Inspection Service Veterinary Service)
Section du virus de l'anémie infectieuse équine. (source : USDA's Animal and Plant Health Inspection Service Veterinary Service)

Réalisée par une équipe de chercheurs franco-britanniques, l'étude clinique de phase 1 (évaluation de la non-toxicité du traitement) et 2 (évaluation de son efficacité potentielle, sur un petit nombre de patient) a porté sur 15 patients depuis 2008 (1).

Un "cheval de Troie" à base… d'un virus équin !

La thérapie génique évaluée par les médecins (thérapie du nom de ProSavin®) a consisté en l'injection, dans le cerveau des ces quinze patients, d'un virus sans danger pour l'homme (le virus de l’anémie infectieuse équine), vidé de son contenu génétique, et "rempli" avec trois gènes essentiels pour la fabrication de la dopamine (substance qui fait défaut chez les personnes atteintes de Parkinson, engendrant les troubles moteurs, voir encadré).

Bien que le virus de l'anémie infectieuse équine ne puisse infecter l'homme, ses composants de surface peuvent interagir avec les cellules humaines.

Les trois gènes sélectionnés par les scientifiques pour voyager à bord de ce virus peuvent ainsi être injectés dans les cellules humaines, où ils seront transcrits, initiant la fabrication de dopamine. Le virus (de la famille des lentivirus) est ainsi un "vecteur" de la thérapie (2).

Résultats limités à quatre ans

Avec un recul de quatre ans, les chercheurs estiment avoir pu démontrer la non toxicité à long terme de cette méthode innovante pour introduire des gènes dans le cerveau des patients. Mais surtout, grâce à cette thérapie, les 15 patients opérés se sont remis à fabriquer et à secréter des petites doses de dopamine en continu.

"Les symptômes moteurs de la maladie ont été améliorés jusqu'à 12 mois après l'administration du traitement chez tous les patients, voire jusqu'à 4 ans chez les premiers à avoir été opérés", explique le Pr Stéphane Palfi, le neurochirurgien français qui a piloté ces travaux.

Trois niveaux de doses ont été testés, la plus forte s'étant avérée la plus efficace, selon le professeur Palfi qui estime que ses travaux "ouvrent de nouvelles perspectives thérapeutiques dans les maladies du cerveau".

Il a toutefois reconnu qu'au-delà de 4 ans, les progrès moteurs s'atténuaient en raison de l'évolution de la maladie.

De la dopamine en continu

La thérapie génique ProSavin® devrait faire l'objet de nouveaux essais cliniques à partir de la fin de l'année. L’équipe du professeur Palfi cherche aujourd’hui à améliorer les performances du traitement pour qu'il puisse produire plus de dopamine. Le Pr Palfi "espère pouvoir proposer aux patients cette thérapie génique à l'horizon 2020, tout en reconnaissant avancer très prudemment", d'après le site France Parkinson.

Dans un commentaire joint à l'article du Lancet, Jon Stoessl de l'Université de British Columbia à Vancouver souligne le côté novateur de l'approche franco-britannique. Il regrette cependant que cette thérapie ne s'adresse qu'aux symptômes moteurs et pas à d'autres troubles (hallucinations, changements de caractère, troubles cognitifs), non liés à la production de dopamine mais qui peuvent devenir de plus en plus pénibles au fur et à mesure que la maladie progresse.

Thérapies actuelles

Le principal traitement consiste à prendre des médicaments mimant l'action de la dopamine manquante dans le cerveau (levodopa ou L-dopa), mais ceux-ci entraînent au fil du temps des effets indésirables importants, tels que des mouvements anormaux involontaires.

L'autre traitement est la technique de "stimulation cérébrale profonde" qui consiste à implanter des électrodes au sein des structures profondes du cerveau, mais qui nécessite par la suite des "réglages".

D'autres approches de thérapie génique utilisant des adénovirus (souvent responsables d'infections respiratoires) et non pas des lentivirus injectés directement dans une région du cerveau appelée le striatum sont actuellement développées aux Etats-Unis et testées sur des patients atteints de formes modérées à sévères de la maladie. 

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(1) Douze patients traités à l'hôpital Henri-Mondor de Créteil et trois à l'hôpital Addenbrookes à Cambridge (Royaume-Uni).
(2) Le procédé a, pour cette raison, été baptisé LentiVector® par ses promoteurs.

Source : Long-term safety and tolerability of ProSavin, a lentiviral vector-based gene therapy for Parkinson's disease: a dose escalation, open-label, phase 1/2 trial. S. Palfi et coll. The Lancet, Jan. 2014 doi:10.1016/S0140-6736(13)61939-X

 

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La maladie de Parkinson est l'affection neuro-dégénérative la plus fréquente après la maladie d'Alzheimer. Elle touche quelque 5 millions de personnes dans le monde et 120.000 en France. Elle est provoquée par la dégénérescence des neurones qui produisent la dopamine, un neurotransmetteur intervenant dans le contrôle de la motricité et se traduit par des symptômes qui s'aggravent progressivement tels que des tremblements, une rigidité des membres et une diminution des mouvements du corps.