Intoxications alimentaires : menaces dans nos assiettes !

Douleurs abdominales, vomissements, diarrhées, fièvre... ce sont les symptômes possibles d'une intoxication alimentaire, qui interviennent le plus souvent après avoir mangé un aliment contaminé par une bactérie, un virus, ou un parasite. Selon l'Institut de Veille Sanitaire (InVS), on recense chaque année 750.000 cas d'intoxication alimentaire.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Intoxications alimentaires : menaces dans nos assiettes !

Qu'est-ce qu'une intoxication alimentaire ?

Marina Carrère d'Encausse et Michel Cymes expliquent les intoxications alimentaires.
Marina Carrère d'Encausse et Michel Cymes expliquent les intoxications alimentaires.

Selon l'Institut de Veille Sanitaire (InVS), sur les 750.000 cas recensés chaque année, la plupart guérissent rapidement, mais 70.000 consultent aux Urgences, 15.000 sont hospitalisés, et 400 décèdent.

Dans le langage courant, on parle de gastro ou d'intoxication alimentaire, mais en réalité, plus de 200 maladies infectieuses différentes sont transmises par l'alimentation. Parmi les bactéries, les salmonelles représentent la cause la plus fréquente (30.598 à 41.139 cas annuels) suivies par les Campylobacter (12.796 à 17.322 cas). Ces deux types de bactérie sont responsables à elles seules d'environ 80% des infections alimentaires d'origine bactérienne. Côté parasite, les agents de la toxoplasmose (99% toxoplasma gondii et à Taenia saginata) arrivent largement en tête. Côté virus, les norovirus (les rotavirus, les adenovirus entériques) prédominent (70.194 cas d'hospitalisation pour les virus).

Certains agents pathogènes sont potentiellement mortels pour les patients les plus fragiles, il s'agit des listérias souvent responsables d'épidémies, ou de l'Escherichia coli. Une épidémie a causé près de 50 morts en Europe au printemps 2011, mais au final des graines germées contaminées en étaient responsables.

Les principaux agents pathogènes responsables de toxi-infections alimentaires sont les suivants :

  • Clostridium botulinum

Les toxines botuliniques produites par les bactéries sont responsables de cette grave intoxication alimentaire. Ces bactéries peuvent être présentes dans les conserves, notamment celles faites "maison", où les températures de stérilisation sont souvent insuffisantes. Mais ces toxi-infections peuvent aussi survenir après de l'ingestion de viande crue ou étuvée de mammifères marins. Les principaux symptômes des toxines botuliniques sont une faiblesse générale, des nausées, vomissements, constipation et migraines. Elles peuvent également attaquer le système nerveux central. Dans ce cas, elles provoquent le phénomène de double vision, des problèmes de langage, paralysie des muscles, difficultés respiratoires. Sans traitement, l'individu meurt en trois à sept jours.

  • Clostridium perfringens

Cette bactérie produit une toxine dans le tractus intestinal des personnes qui ont consommé des aliments contaminés par un grand nombre de ces bactéries. On les retrouve dans les langues, les viandes en bouillon, les sauces... Les symptômes (douleurs abdominales aiguës, diarrhées, nausées, vomissements et fièvre) apparaissent entre 8 et 24 heures après l'ingestion de la nourriture contaminée.

  • Campylobacter

Cette bactérie peut être présente dans les intestins des volailles, bovins, porcs, rongeurs, oiseaux sauvages, animaux de compagnie mais aussi dans l'eau non traitée. L'infection intervient lorsque l'on consomme par exemple de la volaille insuffisamment cuite. Diarrhées, nausées, crampes abdominales, douleurs musculaires, migraines et fièvres sont les symptômes de l'infection. Certaines complications peuvent avoir lieu comme une méningite, infection de l'appareil urinaire et arthrites.

  • Escherichia coli

E.coli vit dans les intestins de l'homme et des animaux à sang chaud. La souche E.coli 0157:H7 peut provoquer de graves maladies transmises par les aliments. On la trouve également dans les volailles insuffisamment cuites, l'eau non chlorée et le jus de pomme non pasteurisé. Les symptômes se développent en trois à cinq jours après ingestion des aliments contaminés provoquant fièvre, nausées, vomissements. Les sujets les plus jeunes, les personnes âgées et les individus ayant un système immunitaire affaibli sont les plus à risque. L'hospitalisation est alors indispensable. L'infection peut être mortelle dans 20 à 30% des cas.

  • Salmonella

Les salmonelles sont des bactéries logées dans le tube digestif. Chez l'homme, elles sont responsables de deux grandes catégories d'infections : la gastro-entérite d'origine alimentaire et la fièvre typhoïde. Les viandes de volaille crue sont les principales cibles de la Salmonella. Les viandes crues ou insuffisamment cuites, le lait non pasteurisé et les œufs peuvent aussi être contaminés, tout comme les fruits et les légumes, si le sol dans lequel ils ont été cultivés, a été contaminé par des déchets animaux. Les symptômes de la salmonellose sont les migraines, diarrhées, douleurs abdominales, nausées, frissons, fièvre et vomissements.

  • Les staphylocoques (staphylococcus aureus)

Les staphylocoques sont responsables de nombreuses intoxications alimentaires en France. Elles produisent des entérotoxines à l'origine des différents symptômes. Les aliments généralement concernés sont les pâtisseries, crème pâtissière, mayonnaise. Crampes abdominales, vomissements et sévères diarrhées sont les principaux symptômes.

Diagnostiquer et traiter les intoxications alimentaires

Plusieurs analyses sont nécessaires pour déceler la présence de germes infectieux.
Plusieurs analyses sont nécessaires pour déceler la présence de germes infectieux.

Certaines bactéries particulièrement virulentes, ne se contentent pas d'attaquer le système intestinal, elles peuvent aussi gagner d'autres organes. C'est le cas de l'Escherichia Coli, qui peut être responsable d'un syndrome hémolytique et urémique, aux conséquences parfois très graves sur les reins et le système nerveux. Quand les médecins soupçonnent une contamination, l'hospitalisation est indispensable.

L'inspection des cuisines collectives

Chaîne du froid et cuisines... sont contrôlées minutieusement.
Chaîne du froid et cuisines... sont contrôlées minutieusement.

Un des lieux les plus à risque, ce sont les cuisines collectives, celles où se préparent les repas pour les écoles et les maisons de retraite, et qui concernent donc des populations fragiles.

Ces cuisines sont régulièrement inspectées par la Direction départementale de la protection des populations (DDPP) pour éviter des intoxications alimentaires à grande échelle, ce qu'on appelle les TIAC, toxi-infection alimentaire collective.

Améliorer la conservation des aliments

Et si pour tuer des bactéries responsables d'intoxications alimentaires, on utilisait d'autres bactéries ? Cette stratégie d'attaque a déjà fait ses preuves pour prolonger la conservation de la viande.

Dans les laboratoires de l'Institut national de la recherche agronomique, les scientifiques s'intéressent à la conservation de la viande et l'analysent sous toutes les coutures. Aujourd'hui, leurs travaux se concentrent sur du carpaccio de bœuf. Premier constat : cette viande, même fraîche, contient de nombreuses bactéries. "Quand vous mangez de la viande crue, par exemple un carpaccio ou un tartare, vous mangez beaucoup de bactéries. Vous pouvez manger jusqu'à 200 espèces de bactéries différentes. Et tout cela ne pose pas de problème", constate Marie Champomier Vergès, directrice de recherche à l'Inra.

Trois semaines après avoir placé le carpaccio dans un réfrigérateur, la viande n'a plus du tout le même aspect, ni la même odeur : "Quand on observe un peu ce qui se passe dans un produit qui s'est abîmé, qui ne sent pas très bon, on constate qu'il y a moins de bactéries. Il y a des bactéries qui ont pris le dessus. Elles ont interagi les unes avec les autres. Il y en a qui sont plus fortes, elles ont produit des composés qui ne sont pas bons…".

C'est contre ces mauvaises bactéries que les chercheurs ont réussi à mettre au point une solution de bioconservation comme l'explique Marie Champomier Vergès : "L'idée de la bioconservation, c'est de sélectionner les bonnes bactéries et parmi ces bonnes bactéries, les plus performantes d'entre elles, pour les rajouter dans le produit pour qu'elles puissent lutter contre les bactéries d'altération". Une des bactéries les plus performantes est le lactobacillus sakei, un petit bacille trapus au bout arrondi.

En comparant un carpaccio aspergé d'un mélange de plusieurs souches de cette superbactérie à un carpaccio traditionnel, après six jours dans une étuve à 8 degrés, on observe une différence à l'œil nu. Et pour voir l'invisible, les échantillons sont plongés dans un liquide capable de décrocher les bactéries de la viande. Le liquide est ensuite prélevé, centrifugé et analysé : "On observe que dans un échantillon qui n'a pas été traité avec le spray qui contient des bactéries de biopréservation, on a un signal qui apparaît relativement vite. En revanche, dans l'échantillon qui a été traité avec le même spray de biopréservation, on voit que le signal apparaît plus tardivement, ce qui nous indique que notre cocktail a été efficace pour limiter le développement de cette bactérie d'altération", note la directrice de recherches.

Lutter de cette manière contre les bactéries qui altèrent l'aspect de la viande pourrait donc servir de modèle pour un autre combat : la lutte contre les bactéries responsables d'intoxication alimentaire.