Des huîtres modifiées... et 365 jours par an dans notre assiette

Depuis 1997, l'huître triploïde, née dans les laboratoires de l'Ifremer, se déguste toute l'année. Une innovation scientifique qui divise le monde de l'ostréiculture.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le

Cet été, au bord de la mer, vous allez peut-être déguster des huîtres. Pourtant, ces coquillages ont longtemps été consommés uniquement pendant les mois en "R". Les mois chauds, les huîtres sont en période de reproduction, ce qui les rend laiteuses.

Mais depuis une quinzaine d'années, une nouvelle catégorie d'huîtres a fait son apparition dans nos assiettes : l'huître triploïde, qui se déguste toute l'année. Une innovation scientifique qui divise le monde de l'ostréiculture.

Qu'est-ce qu'une huître triploïde ?

L'huître triploïde est une huître d'un nouveau genre née en 1997 dans les laboratoires de l'Ifremer. Elle possède trente chromosomes alors que l'huître naturelle n'en a que vingt (huître diploïde). L'huître triploïde est issue d'un croisement génétique entre une huître naturelle et une huître tétraploïde, elle-même conçue en laboratoire et qui possède quarante chromosomes.

L'atout de l'huître triploïde est d'être stérile : "Ce sont des animaux qui vont pousser très vite. Elles peuvent être vendues plus tôt, elles atteignent la taille commerciale plus tôt. Elles ne font pas de laitance. Et pendant l'été, en particulier, les huîtres triploïdes peuvent être consommées sans cette laitance, qui est en général assez rédhibitoire pour les consommateurs", explique Sylvie Lapègue, chercheuse en génétique à l'Ifremer.

L'intérêt de cette huître est avant tout économique. Les huîtres tétraploïdes sont des super-géniteurs, vendues pour fabriquer des huîtres triploïdes. Seul l'Ifremer est autorisé à les créer. Ces huîtres mâles ne doivent jamais être en contact avec le milieu naturel pour éviter toute reproduction incontrôlée. Un système de traçabilité permet de s'en assurer.

Une industrialisation de la filière ?

Frédéric Chenier est écloseur (professionnel de la reproduction des huîtres), il fournit aux ostréiculteurs du monde entier des naissains. Les triploïdes représentent près de 90% de ses ventes. Il se défend de toute industrialisation de la filière. Selon lui, l'origine des huîtres, qu'elles soient nées en mer ou en laboratoire, n'a pas d'impact sur leur qualité.

"Ce qui fait le goût de l'huître, ce sont les derniers mois d'élevage et la façon de la travailler. Le savoir-faire de l'ostréiculteur est très important. Le fait qu'elle soit diploïde ou triploïde ne change absolument pas le goût, sauf pendant l'été où les diploïdes vont être laiteuses et cela donne un goût particulier", précise Frédéric Chenier.

Les ostréiculteurs traditionnels sont inquiets

Mais le succès de la triploïde inquiète certains ostréiculteurs. Sur les bords du bassin d'Arcachon, la famille Molen élève des huîtres nées en mer depuis plus de trente ans. Leur produit évolue au rythme des saisons. En été, ils vendent de petites huîtres même laiteuses. Un savoir-faire dont ils sont fiers : "Avec l'huître triploïde, on a un produit uniforme toute l'année. Mais nous, on pense qu'il y a une saisonnalité des produits et il n'est pas nécessaire de faire des huîtres dans des éprouvettes à partir du moment où le milieu naturel le fait très bien", note Alain Molen.

Membre de l'association des ostréiculteurs traditionnels, la famille Molen réclame un étiquetage sur la provenance des huîtres car il n'existe actuellement aucune obligation. Les triploïdes représenteraient plus de la moitié des huîtres vendues en France. Selon l'Agence de sécurité sanitaire, leur consommation serait sans risque pour notre santé.