Sida : le traitement préventif Truvada® confirme son efficacité

Le Truvada® diminuerait "de l'ordre de 80%" le risque infectieux chez les homosexuels potentiellement exposés à une contamination au VIH/Sida lorsque le médicament est pris "au moment des rapports sexuels", ont annoncé le 29 octobre les coordinateurs de l'essai clinique français Ipergay. Informée en amont, l'Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS) a déclaré mettre cet antirétroviral à disposition de tous les participants de l'étude.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Comprimés de Truvada® (cc-by-sa Jeffrey Beall)
Comprimés de Truvada® (cc-by-sa Jeffrey Beall)

L'étude Ipergay a démontré "une efficacité très élevée" de cette prévention médicamenteuse dite "à la demande"(1), "de l'ordre de 80% de réduction du risque", a indiqué à l'AFP son coordinateur, le Pr Jean-Michel Molina (Hôpital Saint-Louis, Paris).

Le traitement testé est une combinaison des molécules emtricitabine et ténofovir. Produit par le laboratoire nord-américain Gilead, il est commercialisée depuis 2012 aux Etats-Unis sous le nom de Truvada® aux fins de "prophylaxie pré-exposition" (Prep) - c'est-à-dire de traitement préventif, destiné à réduire le risque infectieux.

"Ce médicament, une fois absorbé, va se diffuser en quelques heures dans la salive, dans le sang, les tissus de l'anus", précise le Pr Molina aux journalistes du Magazine de la Santé. "Lorsque le virus va essayer de pénétrer dans l'organisme au niveau de ces muqueuses, il va se heurter à la barrière médicamenteuse, [et ne peut plus infecter] la personne."

Deux années d'essai en double-aveugle

Deux essais cliniques d'envergure avaient été lancés en Europe début 2012 - l'un en France, l'autre au Royaume-Uni - pour valider l'efficacité de ce traitement.

L'étude Ipergay, mise en œuvre par l'ANRS, a ainsi comparé le taux de contamination chez des volontaires exposés au risque infectieux, répartis en deux groupes par tirage au sort. Le premier groupe a effectivement reçu le médicament, l'autre recevant à la place un placebo (comprimé sans principe actif). Ni les participants, ni les médecins ne connaissaient le traitement reçu (essai dit "en double aveugle") afin de disposer des résultats les plus objectifs possibles. Le protocole expérimental a fait l'objet d'une vive polémique, de nombreuses associations estimant que les évaluations réalisées aux Etats-Unis permettaient déjà d'établir l'intérêt de cet antirétroviral.

Mi-octobre, les chercheurs britanniques aux commandes du second essai (étude PROUD) ont annoncé que leurs résultats intermédiaires démontraient que le Truvada® était "hautement protecteur contre le VIH". Au vu de leurs résultats, décision a été prise de donner le traitement "à tous les participants à leur essai".

L'équipe française a par conséquent décidé de "lever l'aveugle" de l'essai Ipergay – c'est-à-dire de prendre connaissance des données sur le nombre de cas d'infection par le VIH dans les deux groupes.

Le groupe sous Truvada® ayant été 80% moins infecté que le groupe sous placebo, l'ANRS a décidé de permettre à tous les participants de bénéficier du traitement par Truvada®.

Chaque année en France, plus de 6.000 personnes découvrent leur séropositivité. L'infection par voie sexuelle est prédominante (99% de ces cas). Les hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes représentent 42% des nouveaux cas.

Une prise "à la demande"

L'essai Ipergay se poursuivra "pendant au moins un an" selon son nouveau protocole, selon l'ANRS. L'objectif est désormais de vérifier le maintien du bénéfice de ce traitement sur le long terme (évaluation d'une perte éventuelle d'efficacité) ainsi que sa tolérance.

"C'est une avancée majeure dans la lutte contre le VIH. Les résultats d'Ipergay devraient faire évoluer les recommandations nationales et internationales en matière de prévention contre le VIH", a déclaré le Pr Jean-François Delfraissy, directeur de l'ANRS.

L'association de lutte contre le sida Aides, associée à l'essai Ipergay, a salué la décision de l'ANRS. Elle a aussi demandé à la ministre de la Santé, Marisol Touraine, d'accélérer le processus d'examen de sa demande d'autorisation temporaire du Truvada® comme traitement préventif chez les personnes à risques.

"L'accès au Truvada® doit être garanti pour toutes celles et tous ceux qui en ont urgemment besoin", a-t-elle déclaré dans un communiqué.

L'efficacité observée du médicament ne doit pas "faire oublier que le préservatif reste la pierre angulaire de la prévention", a d'ailleurs souligné le Pr Molina. La prophylaxie pré-exposition doit s'intégrer dans un cadre global et combiné de prévention : dépistages répétés, conseils personnalisés de prévention, distribution de préservatifs...

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(1) "A la demande", c'est-à-dire uniquement avant et après les rapports sexuels, et non pas en continu.

En savoir plus sur le Truvada®

Le Truvada® a un coût élevé : environ 10.000 euros par an dans l'hypothèse d'une prise quotidienne, ce qui rend son utilisation dans les pays en développement peu probable.