Pourquoi changer de cornée ?

Quand la cornée n'est plus parfaitement transparente, la vision se trouble et diminue irrémédiablement. Seule solution : la greffe. Comment se déroule l'intervention ? Quels sont les risques de complications ? La vision est-elle complètement rétablie après une greffe ?

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Pourquoi changer de cornée ?

Anatomie de l'oeil

Marina Carrère d'Encausse et Michel Cymes présentent le rôle de la cornée.
Marina Carrère d'Encausse et Michel Cymes présentent le rôle de la cornée.

La cornée est une partie de l'oeil qui était déjà décrite dans le premier texte chirurgical rédigé en français, en 1314. Henri de Mondeville, chirurgien du roi Philippe le Bel, y explique que la partie située à l'avant de l'oeil est appelée la "tunique cornée". Tunique pour membrane, par analogie aux vêtements qui se superposent. Et surtout cornée, parce qu'à l'époque, cette surface de l'oeil semblait solide comme de la corne. C'était un peu exagéré bien sûr mais la cornée est tout de même assez résistante.

La cornée se situe à la surface de l'oeil où se trouvent l'iris, juste derrière, et la rétine au fond de l'oeil, sur laquelle se forment les images transmises au cerveau par le nerf optique. D'un diamètre moyen de 11 mm, la cornée est en fait composée de trois structures principales : en surface, l'épithélium (50 micromètres à peine), juste dessous, dix fois plus épais, le stroma, et enfin à la base l'endothélium.

Si la cornée est capable d'encaisser des chocs "modérés", comme l'imaginait le chirurgien du roi, c'est grâce aux bâtonnets de collagène qui composent le stroma et lui confèrent résistance et élasticité. Ils sont transparents pour laisser passer la lumière vers la rétine. Et plus particulièrement vers la macula, qui permet la vision des détails.

Cette structure est désorganisée par une maladie appelée la dystrophie de Fuchs ou la cornea guttata. Elle touche plus particulièrement les cellules de l'endothélium qui ont un rôle essentiel dans l'équilibre de l'hydratation de la cornée. Quand elles sont détruites, la cornée absorbe trop d'eau, se gonfle comme une éponge. Elle perd sa transparence et la lumière n'est plus correctement orientée à l'intérieur de l'oeil. La seule solution est alors la greffe de cornée. Et les techniques ne cessent de s'améliorer.

Greffe de cornée : une opération impressionnante

Attention, images d’intervention chirurgicale : la cornée prélevée est ajustée à la taille de celle du receveur.
Attention, images d’intervention chirurgicale : la cornée prélevée est ajustée à la taille de celle du receveur.

Lorsque la cornée ne parvient pas à se régénérer d'elle-même suite à une maladie ou un traumatisme, la greffe de cornée peut s'imposer. De nouvelles techniques permettent de rendre la vue avec des risques de rejet de plus en plus faibles.

Seule une des couches de la cornée est remplacée par le greffon. Mais parfois, il faut tout remplacer. Et le résultat est spectaculaire. Cela permet de rendre la vue dans des situations proches de la cécité.

Le premier risque des greffes est le rejet. Or la cornée contient peu de cellules et pas de vaisseaux, ce qui réduit ce risque. Un traitement anti-rejet local de quelques mois par collyre est en général suffisant. Les rejets sont très rares.

Lorsqu'il existe, il est vite décelé et donc vite traité. Il survient le plus souvent dans les premiers mois après la greffe et devient très rare après un an. Mais on a vu des rejets arriver vingt ans après une greffe !

En général, une baisse de l'acuité visuelle ou un œil rouge et douloureux alerte le patient. Parfois, c'est au cours d'un examen ophtalmologique systématique que le rejet est décelé.

Il survient surtout chez les enfants ou lorsqu'il y a déjà eu d'autres greffes de cornée. Dans ces cas-là, on donne un traitement préventif anti-rejet.

Enfin, après la greffe, il est important aussi de surveiller que la maladie initiale ne récidive pas.

Greffe de cornée : des résultats remarquables

Greffé à cause d'une cornea guttata, Jean savoure ses progrès moins d'un mois après son opération.
Greffé à cause d'une cornea guttata, Jean savoure ses progrès moins d'un mois après son opération.

Il y a une dizaine d'années, la greffe de cornée était beaucoup plus lourde. Elle consistait à changer toute la surface de l'oeil. Il fallait attendre plusieurs mois avant de retirer les points de suture, et plus d'un an et demi pour que les patients récupèrent leur acuité visuelle. Désormais, grâce aux nouvelles techniques de greffe de cornée, les résultats sont spectaculaires et rapides.

Recréer une cornée à partir de cultures cellulaires

Le principal frein à la greffe de cornée reste le manque de dons. Ce don peut se faire après le décès, dans des conditions moins impressionnantes que pour les autres organes. Chacun peut essayer d'y penser et d'en parler à ses proches.

Pour compenser cette pénurie, une équipe française tente de recréer une cornée à partir de cultures cellulaires inattendues.

Partir d'un cheveu pour créer une cornée, c'est l'aventure cellulaire incroyable réussie par une équipe de chercheurs français. Une recherche dont le point de départ semble assez simple : nos cheveux poussent grâce à la présence à leur base d'une sorte de petite usine capillaire.

En mettant quelques millimètres de cheveu (gaine contenant des cellules souches capables de régénérer le cheveu tout au long de la vie) dans un milieu de culture particulier, les cellules souches de la gaine sortent de la gaine du cheveu, migrent à l'extérieur pour se diviser et former des colonies. Les chercheurs vont alors récupérer ces cellules et les reprogrammer, c'est-à-dire les faire remonter dans le temps au plus près de leur origine embryonnaire pour les rendre capables non seulement de produire des cheveux mais n'importe quel type de cellules. On parle alors de cellules souches pluripotentes.

Grâce à ces cellules, l'équipe de chercheurs a déjà reconstitué une cornée identique à une cornée naturelle. Des cornées qui pourront être greffées pour pallier à la pénurie de manque de greffes et de cornées. Mais également dans des cas très particuliers de maladies, il sera possible de produire à partir des cheveux d'un patient des cornées compatibles avec ce malade.

Il faut encore standardiser cette production de cornées en laboratoire mais dans quelques années, nos cheveux pourraient sauver nos yeux.

Ces nouvelles cornées vont se faire attendre encore quelques années. En attendant, il est possible de faire un don de son vivant, non pas de cornée mais de placenta car la membrane amniotique qui le tapisse a des pouvoirs cicatrisants exceptionnels. Le don peut être fait lors d'une césarienne.