Nos céréales sont beaucoup trop sucrées

Une étude d’une organisation indépendante américaine de santé publique a passé au crible plus de 80 paquets de céréales transformés, avec pour résultat une conclusion : nombre d’entre eux contiennent plus de sucres que certains desserts.

La rédaction d'Allo Docteurs
La rédaction d'Allo Docteurs
Rédigé le , mis à jour le
Nos céréales sont beaucoup trop sucrées

L'étude de l'Environnemental Working Group (EWG) a établi le classement des céréales les plus sucrées. En haut du podium, on retrouve les Smacks de Kellogs® (des grains de blé soufflés caramélisés) et les Coco Pops (des céréales au riz soufflé avec du chocolat). Une tasse de Smacks de Kellogs® contiendrait à peine plus de sucre qu'un donut (20 grammes contre 18 grammes).

En clair, un bol de Smacks de Kellogs® représenterait 8 à 10 morceaux de sucre. Des teneurs largement au dessus des normes de l'Organisation mondiale de la santé.

Selon un rapport de 2003 sur les effets préventifs de l'alimentation en matière de maladies chroniques, les sucres dits "libres" (sucres ajoutés et jus de fruits) ne doivent pas constituer plus de 10 % des calories quotidiennes. Dans le cadre d'une alimentation fournissant 2 000 calories (besoins caloriques moyens d'une femme), cela représente 200 calories, soit l'équivalent de 50 g de sucre (12,5 cuillerées à thé ou 8 morceaux de sucre), par jour.

Or, certaines céréales contiennent parfois plus de 50 % de sucres alors qu'il devrait y en avoir 10 %. Des teneurs en contradiction également avec les objectifs du programme national Nutrition Santé.

Le Pr. Arnaud Cocaul, nutritionniste à l'hôpital La Pitié-Salpêtrière déplore lui aussi l'enrichissement en sucres des céréales transformés. "Il faut absolument éviter les céréales fourrées qui sont bourrées d'acides gras transformés et beaucoup trop riches en sucres. Les industriels ont fait des efforts, mais cela reste insuffisant. Il faut aussi éviter les céréales spécifiquement destinées aux enfants car elles sont enrichies en sucres et en vitamines, ce qui est inutile dans nos contrées". Il vaudrait donc mieux, comme le conseille l'étude d'EWG, privilégier les céréales non transformées pour réaliser des petits déjeuners équilibrées : porridge, semoule, tapioca, riz et bien sûr, le pain complet.

Serge Ahmed, chercheur en neurosciences au CNRS et auteur d'une étude sur le potentiel addictif du sucre va beaucoup plus loin. D'après lui, les enfants seraient plus fragiles face à la consommation de sucres et donc des proies idéales pour les grands groupes de l'agroalimentaire. "Les enfants naissent avec une forte sensibilité au goût sucré. Mais comme leur cortex préfrontal n'est pas encore développé, ils n'ont pas la capacité intellectuelle de raisonner et de limiter cette consommation. C'est donc aux parents de remplir ce rôle".

Serge Ahmed réfute d'ailleurs l'appellation de céréales à ces produits, "c'est comme si je vous présentais un alliage contenant 10 % d'or en vous expliquant que c'est de l'or. C'est pareil pour ces céréales. Quand on voit que certains d’entre eux contiennent plus de 50 % de sucres, on devrait plutôt dire qu’il s'agit de sucreries contenant des céréales."

La consommation de produits sucrés n'entraîne pas automatiquement le développement d'un diabète sauf si l'on a des prédispositions génétiques. Pourtant, le Pr. Patrick Vexiau, diabétologue à l'hôpital Saint-Louis, observe une apparition plus précoce du diabète de type 2 (non insulino-dépendant). "Chez les personnes prédisposées génétiquement, on le voit apparaître à partir de 15 ans, ce qu'on n'observait pas il y a une trentaine d’années. Le diabète de type 2 n'existait pas avant 45 ans."

Faut-il donc bannir ces céréales de l'alimentation de nos enfants ? Pour le Dr Tounian, nutritionniste à l’hôpital Trousseau, ce serait avoir une vision biaisée de l’alimentation. "Quand on mange trop de sucre, on a plus faim et on risque de développer des carences en fer ou en calcium par exemple. Il faut plutôt se concentrer sur l’équilibre global de l’alimentation pour que l’enfant puisse assurer ses besoins globaux". Tout est une question de mesure.

Pour aller plus loin :