Comment l'organisme en danger commande la production de globules blancs

Une équipe du centre d'Immunologie de Marseille-Luminy vient de démontrer que les cellules souches à l'origine des cellules sanguines ne se différencient pas systématiquement de façon aléatoire. Lorsque l'organisme est agressé, ces cellules cessent de se transformer en globules rouges et en plaquettes pour alimenter l'organisme en différents types de globules blancs de renfort. Le mécanisme par lequel se produit l'incitation pourrait être utilisé pour renforcer la réaction immunitaire de certaines personnes hospitalisées.

Florian Gouthière
Rédigé le , mis à jour le
©Centre de Médecine Moléculaire Max Delbrück de Berlin-Buck
©Centre de Médecine Moléculaire Max Delbrück de Berlin-Buck

Les cellules souches "sanguines" (qui se différencient exclusivement en produits sanguins) n'opèrent pas leur transformation au seul gré du hasard. Une équipe de chercheurs de l'Inserm, du CNRS et du Centre de Médecine Moléculaire de Berlin (MDC) a démontré, dans un article publié le 10 avril 2013 dans la revue Nature, que ces cellules de la moelle osseuse peuvent produire "à la demande" et en urgence différents globules blancs qui permettent à l'organisme de faire face à une inflammation ou une infection.

Les chercheurs ont en effet démontré qu'une molécule secrétée par l'organisme au début d'une infection commandait directement la différenciation des cellules souches. Lorsque cette molécule pénètre au cœur des cellules, elle active immédiatement le gène qui initie la transformation en globule blanc (le gène PU 1). Une quantité notable de macrophages - un type de globule blanc qui intervient très tôt dans la lutte contre l'infection - est notamment produite.

Des trésors d'ingéniosité ont dû être déployés pour mettre en lumière l'étonnant phénomène. Mesurer le changement d'état au niveau de chaque cellule souche est en effet une gageure, non seulement du fait de leur rareté relative (une pour 10.000 cellules dans la moelle osseuse d'une souris de laboratoire), mais également parce qu'une fois transformée en globule ou en plaquette... il est extrêmement difficile d'en suivre la trace.

Les scientifiques ont donc subtilement modifié le génome des cellules souches, associant à l'activation du gène PU 1 la production d'un composé fluorescent. In vivo, la diffusion de la molécule M-CSF dans l'organisme d'une souris entrainait la production rapide de globules blancs "fluorescents". In vitro, sous l'œil du microscope, le phénomène est apparu de façon plus claire encore. Passée au crible d'une analyse systématique, toutes les cellules "allumées" avaient bien initiées leur transformation en leucocyte.

"Maintenant que nous avons identifié ce signal, il serait possible de l'utiliser pour accélérer artificiellement la fabrication de ces cellules chez les malades confrontés à un risqué aigu d'infections", souligne le Dr Michael Sieweke, responsable de l'étude, dans un communiqué de l'Inserm. "Le M-CSF pourrait stimuler la production des globules blancs utiles, tout en évitant de fabriquer es cellules susceptibles d'attaquer l'organisme de ces patients. Ainsi, ils seraient protégés des infectons le temps que leur système immunitaire se reconstitue."

Source : M-CSF instructs myeloid lineage fate in single haematopoietic stem cells. Sieweke et al. Nature, 10 avril 2013. doi:10.1038/nature12026

En savoir plus :