Cancérologie : l'immunothérapie nourrit l'optimisme

C'est probablement le fait le plus saillant du congrès de l'ASCO 2014 : de nombreuses études de petite envergure, destinées à évaluer l'innocuité d'une sollicitation du système immunitaire contre les tumeurs, se sont soldées par la guérison d'un ou plusieurs patients. Si les effets secondaires de ces traitements sont au final loin d'être bénins, ces stratégies confirment cette année tout leur potentiel.

Florian Gouthière
Rédigé le , mis à jour le
Cancérologie : l'immunothérapie nourrit l'optimisme

La revue Science ne s'était pas trompée, en décembre dernier, en attribuant à l'immunothérapie contre le cancer le statut d'avancée scientifique de l'année. Le précédent congrès de l'ASCO avait également applaudit la publication de premiers résultats spectaculaires de cette stratégie dans la lutte contre le mélanome ou le cancer du poumon.

Cette année, les présentations consacrées à des expériences d'immunothérapie se comptent par centaines. L'objectif d'un grand nombre de ces recherches n'est, généralement, que d'évaluer la tolérance, par l'organisme, des substances destinées à doper l'immunité contre les tumeurs. Elles sont, de ce fait, réalisées auprès d'un nombre restreint de volontaires.

Mais dans un certain nombre d'études menées sur des patients très malades, les taux de survie des individus traités est drastiquement supérieur à celui des groupes témoins.

Dans plusieurs cas, des régressions tumorales importantes – voire des disparitions pure et simples de tumeurs – ont été constatées chez quelques patients.

Le nombre de malades traité est, dans tous ces cas, trop faible pour pouvoir en tirer des conclusions triomphales. Mais le simple fait que des rémissions soient déjà observées à si petite échelle démontre l'intérêt réel de ces voies de traitements.

Des résultats prometteurs

Une étude présentée lundi 2 juin à l'ASCO, réalisée sur 53 patients atteints d'un mélanome avancé, portait sur les bénéfices en terme de survie de l'administration conjointe de deux molécules empêchant les cellules cancéreuses de freiner l'action du système immunitaire (ipilimumab et nivolumab). Alors qu'à l'heure actuelle seuls deux patients sur dix sont encore en vie deux ans après le début d'un diagnostic, dans l'étude ce taux était de près de neuf sur dix.

Une autre étude a été menée sur 68 patients atteints d'un cancer de la vessie métastasé. Chez trente d'entre eux, les cellules cancéreuses présentaient à leur surface une grande quantité de protéines PD-L1 (dont la fonction est, là aussi, d'interdire toute agression par le système immunitaire). Ces malades se sont vus administrer une molécule inhibitrice du nom de MPDL3280A. Selon les données présentées au congrès, les tumeurs ont cessé leur progression voir régressé chez 13 patients (suivi à 12 semaines), celles-ci étant même indétectables à l'examen radiologique chez 2 malades !

Troisième exemple, avec un essai mené sur seulement 9 femmes atteintes d'un cancer du col de l'utérus (provoqué par le papillomavirus humain). Ici, les chercheurs ont prélevé des lymphocytes de l'organisme des malades, et ont sélectionné les cellules immunitaires reconnaissant les protéines caractéristiques d'une infection au papillomavirus. Après avoir été multipliées in vitro, ces cellules ont été réinjectées chez les patientes. Deux sont aujourd'hui en rémission, respectivement depuis vingt-deux et quinze mois.

Là où le bât blesse 

Si l'immunothérapie nourrit l'optimisme des cancérologues, ceux-ci sont bien conscients des limites actuelles de cette approche. La première est son efficacité à moyen et long terme. En effet, les expériences menées ces dernières années montrent que, bien souvent, les molécules qui rendent possible les attaques contre les cellules malades ne sont efficaces que quelques semaines. De nombreuses études présentées au congrès de l'ASCO montrent qu'encore bien souvent, les stratégies d'immunothérapie retardent le développement de la maladie de quelques mois plus qu'elles ne la guérissent.

Une autre limite est la toxicité des molécules employées. En autorisant l'organisme à combattre des cellules du "soi", l'immunothérapie est encore une voie de traitement dangereuse. Dans une étude de l'efficacité de l'ipilimumab (utilisé seul) pour le traitement de mélanomes avancés non métastasés, présentée le 2 juin à l'ASCO, 6 des 471 patients traités sont décédés à la suite d'effets secondaires du traitement (inflammation du côlon, myocardite, ou syndrome de Guillain-Barré).

Dernier obstacle sur la route de l'immunothérapie : d'un individu à l'autre, les protéines qui s'expriment à la surface des cellules cancéreuses ne sont pas les mêmes. Aussi, une molécule efficace chez un malade pourra être sans effet chez de nombreux autres. Par ailleurs, les tumeurs sont parfois hétérogènes, toutes les cellules qui la composent n'étant pas forcément issues d'une même lignée.(1)

L'enjeu de l'immunothérapie, aujourd'hui, se joue donc au niveau d'analyses cellulaires longues et fastidieuses. il s'agit de déterminer quels marqueurs, à la surface des tumeurs, permettent de prédire quels patients pourront réagir le mieux à telle ou telle combinaison de molécule. Les prochains congrès de l'ASCO devraient fourmiller de travaux destinés à élucider, au cas par cas, cette question.

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(1) Toutefois, lorsque les premières cellules sont détruites, la libération de certaines protéines spécifiques des cellules cancéreuses déclenche parfois, localement, des réactions immunitaires qui aident à faire régresser la tumeur.  

 

En savoir plus sur l'immunothérapie contre le cancer :

Les cellules cancéreuses ne sont pas des corps étrangers à l'organisme. Quand bien même le système immunitaire détecterait leur comportement anormal, ces cellules expriment des signaux très forts qui interdisent aux différents agents de l'immunité de faire leur office.

L'une des stratégies d'immunothérapie les plus étudiées par les laboratoires consiste à introduire dans l'organisme des molécules qui empêchent, à un niveau ou un autre, la communication entre les cellules malades et ces agents.