Médecine chinoise : guérir le corps et l'esprit ?

Acupuncture, massage et pharmacopée sont les trois mots-clés de la médecine chinoise dite traditionnelle. Elle intrigue et attire de plus en plus de malades... Mais la connaissons-nous vraiment ?

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le

Fondements de la médecine chinoise

Acupuncture
L'acupuncture, un des fondements de la médecin chinoiseAcupuncture  —  Le Mag de la Santé - France 5

Le terme de médecine chinoise regroupe des pratiques très diverses, créées au fil des siècles – et parfois abandonnées, puis remises au goût du jour – en Chine. Découvertes de façon empirique, ces pratiques n'ont longtemps été évaluées qu'à l'aune du ressenti des patients, et non sur des critères objectifs d'efficacité (guérit-on plus grâce à un traitement de médecine chinoise qu'en l'absence de traitement, ou en comparaison avec d'autres pratiques, notamment des traitements "simulés" ?).

À partir de la fin du XVIIe siècle, des voyageurs européens rapportent des descriptions des pratiques chinoises à visée thérapeutique, qui intriguent leurs contemporains. Parrallèlement, elles entament leur déclin en Chine : ainsi l'empereur Daoguang (1782-1850) supprimera l'acupuncture du programme de l'Institut médical impérial, jugeant que cette pratique représentait "une entrave au progrès médical". L'idée selon laquelle les maladies sont liées à des troubles de la circulation des énergies décline rapidement, alors que les découvertes européennes sur l'origine infectieuse de nombreuses maladies apparait de plus en plus certaine.

Un regain d'intérêt pour la médecine chinoise "traditionnelle" survint en Chine au milieu du XXe siècle, avec la promesse du président Mao Tsé-toung d'offrir à tous des soins médicaux "peu coûteux et accessibles", en dépit d'un manque criant de médecins formés sur cet immense territoire. Les guérisseurs traditionnels furent érigés médecins ("médecins aux pieds-nus"). Comme le rapporte Zhisui Li, médecin personnel de Mao, celui-ci déclarait "nécessaire de mettre en avant la médecine chinoise, [bien que] je n'y croie pas, personnellement".

L'émigration, ainsi que quelques reportages réalisés au cours de visites officielles en territoire chinois, entraîneront une diffusion rapide de ces pratiques dans le monde entier. Les techniques et la philosophie de cette "médecine traditionnelle" séduisent un grand nombre de personne.

Dans la médecine chinoise dite traditionnelle, le corps et l'esprit sont liés : la souffrance de l'un se répercute donc sur l'autre. Les promoteurs des thérapies alternatives accusent la médecine occidentale d'oublier voire de nier cet aspect.

Des thérapies complémentaires, et non "alternatives"

Jean-Marie, atteint d'un cancer colorectal, suit des séances d'acupuncture pour atténuer les effets secondaires des traitements.
Jean-Marie, atteint d'un cancer colorectal, suit des séances d'acupuncture pour atténuer les effets secondaires des traitements.

Pour les promoteurs des pratiques dites de "médecine traditionnelle chinoise", une personne est en bonne santé" lorsque l'énergie circule bien dans son corps", le long des canaux méridiens. La moindre perturbation de l'harmonie entre le yin et le yang créerait un déséquilibre, un manque d'énergie ou un excès. Ces anomalies se manifestent sous la forme de multiples symptômes, troubles du sommeil ou douleurs diverses par exemple.

Il est important de souligner que la nature ou la réalité de ces énergies (ou des méridiens) n'a jamais été mise en évidence, ni en Orient, ni en Occident. Certains praticiens reconnaissent leur caractère métaphorique, d'autres affirment toutefois leur réalité, au risque d'imputer à ces "troubles énergétiques" des pathologies dont l'origine biologique est démontrée. Les missions de lutte contre les dérives sectaires insistent donc fréquemment sur les dangers de prendre au pied de la lettre les allégations des praticiens.

Pour soigner les maladies, les praticiens se référant à la tradition chinoise ont a leur disposition quatre solutions thérapeutiques qui n'ont pas nécessairement grand chose en commun :

  • une pharmacopée de plusieurs centaines de plantes (certaines une efficacité démontrée sur les pathologies qui leur sont traditionnellement associées) ;
  • l'acupuncture (dont l'efficacité au-delà du placebo est aujourd'hui vivement contestée, les effets allégués étant observés dans le cas de séances d'acupuncture simulée) ;
  • le massage (souvent basé sur des principes de "circulation d'énergie")
  • la diététique.

Parmi les 60% des malades atteints d'un cancer qui font appel à des médecines complémentaires pour soulager certains effets secondaires liés à la chimiothérapie, certains recourent à l'acupuncture. Bien que son efficacité au-delà d'une prise en charge placebo (simulation du traitement) ne soit pas démontrée, elle entraîne un soulagement certain comparé à une absence de prise en charge. De ce fait, même en considérant qu'il ne s'agirait que d'un "placebo efficace" en terme de réduction de l'anxiété, son intérêt pour l'accompagnement des malades est aujourd'hui mis en avant par de nombreux praticiens.

Pratique de la médecine chinoise en France

Indications acupuncture
Quelles sont les indications de l'acupuncture en France ?Indications acupuncture  —  Le Mag de la Santé - France 5

Les pratiques se revendiquant de la médecine traditionnelle chinoise sont enseignées dans quelques universités françaises. Un diplôme d'Etat sanctionne depuis 2007 la pratique de l'acupuncture, et six universités l'ont intégré dans leur formation. La faculté de médecine de Bobigny propose une formation théorique, unique en Europe, en médecine chinoise.

En France, 5.000 médecins environ ont été formés et agrémentés pour pratiquer l'acupuncture.

Le Taï chi chuan, un art de santé

Cours de Taï chi chuan à l'hôpital Henri Mondor de Créteil.
Cours de Taï chi chuan à l'hôpital Henri Mondor de Créteil.

Et si les arts martiaux se mettaient au service de notre santé ? C'est le cas du Taï-chi-chuan. Souvent pratiqués dans les jardins, ces suites de mouvements lents font penser à une danse ou un combat. Aujourd'hui, le Taï-chi-chuan commence à se pratiquer dans les hôpitaux. Mais quel est son intérêt thérapeutique ?

Les séries d'exercices très lents permettent de travailler doucement les muscles des patients et trouver les positions les plus justes pour soulager leurs tensions. Au-delà des bienfaits physiques, le Taï-chi joue aussi sur le moral des patients. "Au lieu d'être des patients qui subissent la douleur, qui subissent la maladie, ils redeviennent tout d'un coup des acteurs, ils s'amusent, ils ont envie de faire du sport, ils ont envie de pratiquer une activité physique et de vivre pleinement", explique le Dr Luce Condamine, médecin et professeur de Taï-chi à l'hôpital Henri-Mondor.

Si les malades peuvent être surpris au début, ils trouvent rapidement un intérêt à pratiquer cet art martial. Après avoir découvert le Taï-chi à l'hôpital, la plupart des patients souhaitent par la suite le pratiquer comme un loisir.

Que trouve-t-on dans la pharmacopée chinoise ?

Quelle est l'histoire de cette pratique et quels en sont les principes ?
Quelle est l'histoire de cette pratique et quels en sont les principes ?

La pharmacopée représente un volet important des pratiques de médecine chinoise dite traditionnelle. Il s'agit de préparations à base de plantes, essentiellement, mais également de minéraux et parfois de produits animaux (y compris d'espèces protégées ou menacées d'extinction).

Des feuilles d'artemisia, de la rhubarbe, de l'aubépine, de l'écorce de magnolia ou des tranches d'oranges amères… On ne s'en doute pas au premier coup d'œil, mais il s'agit de mets extrêmement précieux. En Chine, ces végétaux sont en effet considérés par de nombreux praticiens comme un "trésor national".

Aux origines de cette pharmacopée, il y a un mythe : un empereur nommé Shennong. Tout au long de sa vie, il aurait avalé toutes les plantes qu'il découvrait et observé les effets qu'elles provoquaient sur son organisme. Si l'on prend le mythe au pied de la lettre, la méthode apparait aussi dangereuse que peu rigoureuse ! Quoi qu'il en soit, une légendde veut que ce soit ainsi que fut créé le premier traité de l'histoire de plantes médicinales.

Dans la pharmacopée chinoise moderne, les plantes sont classées selon leur saveur (douce, amère, acide, piquante, salée) mais aussi selon leur nature (froide ou chaude, tiède ou fraîche). Cette médecine par les plantes s'est forgée à force d'observations. Ainsi, les expressions qui décrivent les maladies sont très imagées. Un rhume est par exemple qualifié d'attaque par le vent froid (ce qui, on le sait aujourd'hui, n'a que peu à voir avec la réalité).

La manière de préparer un remède est primordiale dans la pharmacopée chinoise. Les plantes peuvent être braisées, fumées, enrobées de miel, elles sont souvent séchées et la plupart du temps proposées en décoction. Un même ingrédient aura des propriétés différentes selon le mode de préparation.

Autre caractéristique à connaître : dans le système de pensée des "guérisseurs traditionnels", les plantes associées dans un remède ont toutes un rôle défini et très hiérarchisé. La plante principale est appelée empereur. C'est elle qui répond au symptôme principal de la maladie. Les ministres l'aident. Les assistants, eux, ont pour rôle de contrer les effets toxiques de l'empereur. Enfin, les ambassadeurs ont pour mission de diriger le remède vers la zone du corps affectée.

Cette approche continue d'intriguer l'Occident. En France, des recherches cliniques pour comprendre les effets pharmacologiques de certaines plantes chinoises sont d'ailleurs actuellement en cours.

L'interêt de certaines plantes de la pharmacopée traditionnelle chinoise a été saluée en 2015 avec la remise du prix Nobel de médecine à Tu Youyou pour ses travaux sur le paludisme. C'est en épluchant plus de 2.000 recettes de remèdes traditionnels que la chercheuse a, finalement, découvert un traitement particulièrement efficace contre le paludisme : un extrait d'armoise annuelle, aussi appelée absinthe chinoise. Attention aux généralisations abusives : contrairement à ce que l'on a pu lire et entendre à l'époque, "la médecine chinoise" n'a pas reçu de prix Nobel !

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