Les faux espoirs d'un projet de vaccin contre le sida

En France, une petite start-up niçoise, Biosantech, a lancé un essai clinique en 2013 pour développer un vaccin capable d'éliminer le VIH de l'organisme. Régulièrement dans les médias, elle affirme avoir obtenu des résultats très encourageants, mais la communauté scientifique et les associations restent sceptiques.  

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le

"Un biologiste aurait obtenu des résultats probants".  "On n’a jamais été si proche du but". "Un vaccin contre le sida sur le point de voir le jour". Dans la presse, les articles sur Biosantech sont élogieux. C’est le résultat d’une vaste opération de communication menée par la présidente du laboratoire, Corinne Treger. Selon elle, les résultats du vaccin sont prometteurs : "Aujourd’hui, on sait que dix patients dans l’étude n’avaient plus de cellules infectées dans la sang. Selon le processus de guérison du patient de Berlin, le seul à avoir guéri aujourd’hui, il y avait deux séro-rétro conversions en cours depuis l’automne 2016. La rétroconversion correspond à la baisse des anticorps de l’organisme."

Le vaccin à l’étude ne cible pas le virus du VIH, mais une protéine appelée TAT. C’est une toxine sécrétée par les cellules infectées et qui forme un écran de protection autour de ces dernières. Le vaccin doit permettre de produire des anticorps capables de neutraliser la protéine TAT pour ensuite tuer les cellules infectées.

Des résultats encore insuffisants pour conclure à l'efficacité du vaccin

Pour le Pr Jean-Daniel Lelièvre, immunologue à l’hôpital Henri-Mondor à Créteil, cette stratégie vaccinale est intéressante, mais il faut être très prudent sur sa portée. C’est un essai clinique mené sur une cinquantaine de patients seulement et les résultats ne sont pas encore convaincants. "Leur étude peut être crédible en soi, c’est-à-dire être une première étape pour un vaccin. Ça pourquoi pas… Mais de là à dire qu’on a trouvé un vaccin, c’est complètement différent ! Pour ça, il faudrait qu’ils nous montrent qu’il n’y a plus de virus nulle part dans l’organisme, que les patients arrêtent le traitement et que le virus ne réponde pas, que ce soit répété dans un autre essai… C’est beaucoup plus complexe."

Au-delà des critiques sur le fond, la communauté scientifique s’agace aussi de la forme, des méthodes de communication de Biosantech. L’entreprise a présenté ses derniers résultats lors d’un congrès à Berlin et par voie de presse. Mais elle ne les a toujours pas publiés dans une revue scientifique.

Le CNRS se désengage du projet

Une communication qui semble avoir agacé le CNRS, partenaire de l’étude. En février 2017, l’organisme a demandé au chercheur de cesser toute collaboration avec Biosantech. Raison invoquée : l’essai clinique est terminé depuis décembre 2015, il n’y aurait donc plus matière à communiquer. Mais l’entreprise n’est pas de cet avis. Pour la dirigeante de Biosantech, cette communication n’a rien de choquant.

Selon elle, si ces méthodes dérangent, c’est parce que cette recherche pourrait nuire aux intérêts de certains :"Il faut arrêter de penser qu’on est dans un monde où tout est beau,  où on veut le bien-être des malades, où on veut que les gens soient guéris… Non, car s’ils guérissent, ils ne sont plus intéressants… Ils ne rapportent plus d’argent. Je pense que je pose quelques problèmes à quelques personnes acteurs du marché."

Les associations de patients en colère contre Biosantech 

Les associations de patients sont vaccinées contre les paroles de Biosantech. Selon Aides, le laboratoire donnerait de faux espoirs aux malades. Aurélien Beaucamp, président de l’association, explique : "pour une personne qui vit avec le VIH, c’est lui dire demain, vous n’aurez plus de traitement. Moi, ce que je reproche à ce laboratoire, c’est que par ces fausses annonces, ces fausses informations, il va alimenter une banalisation du VIH en disant c’est terminé. Mais, on est loin d’avoir terminé le combat !"

En France, 6.000 personnes découvrent chaque année leur séropositivité. Toutes doivent prendre des médicaments pour juguler l’infection car, à ce jour, il n’existe aucun vaccin miracle.