Patch contre l'allergie à l'arachide : une annonce trompeuse ?

Selon les résultats d’une étude clinique présentée ce week-end aux Etats-Unis, un patch de désensibilisation à l'arachide aurait confirmé son efficacité chez des enfants allergiques. Mais en regardant de plus près les chiffres diffusés, l'enthousiasme doit être sérieusement modéré.

Florian Gouthière
Rédigé le , mis à jour le
Patch contre l'allergie à l'arachide : une annonce trompeuse ?

Ces dernières années, de petites études destinées à évaluer l’efficacité patch Viaskin® (créé par la firme française DBV Technologies) avait attiré l'attention des autorités sanitaires des États-Unis. En avril 2015, la Food and Drug Administration (FDA) lui avait accordé un statut de "traitement de rupture", visant à accélérer le développement et l’évaluation réglementaire de médicaments destinés à traiter les maladies graves ou engageant le pronostic vital, comme l’allergie à l’arachide. Les études cliniques devaient toutefois se poursuivre avant que le Viaskin® Peanut ne puisse être mis sur le marché.

Selon les informations dévoilées au Congrès de l'American Academy of Allergy, Asthma and Immunology, à Atlanta, le suivi sur trois ans "de patients de 4 à 11 ans" sous patch confirmerait l’intérêt du traitement. Selon les données présentées, le traitement aurait réduit "de 98% le risque de choc allergique exacerbé pouvant être mortel", chez "83,3%" des patients.

Un chiffre impressionnant, à relativiser. Contacté, un responsable de la communication laboratoire nous a affirmé qu’il se rapportait à "171 cas". Résultat mathématiquement impossible, d’autant plus que ce nombre 171 correspond à celui de patients inclus dans l’étude initiale, qui visait un premier suivi à 12 mois. Or, selon un communiqué diffusé en octobre 2015, seuls 20 patients avaient été enrôlés dans l’étude sur deux ans, sur la base de leur bonne réponse au traitement. Un second taux mentionné dans l’étude ("des doses réactives cumulées […] ont été atteintes chez 61% des enfants recevant Viaskin® Peanut 250 mg") permet de déduire que le nombre total de patients concernés était de… 18.

Un chiffre qui nous a été finalement été confirmé, juste avant la mise en ligne de cet article, par DBV technologies.

En résumé, l’annonce porte donc vraisemblablement sur un effet constaté chez 15 patients sur 18. L’étude ne présentant pas de groupe contrôle (enfants sous placebo sur trois ans), il est donc difficile de se prononcer sur l’efficacité propre du traitement. Une phase préliminaire de l’étude, menée sur 29 enfants suivis sur 12 mois, correspondait à un "53,6% de réponse au traitement" (même si la valeur n'aurait, déjà, pas dû être présentée en pourcentage, voir encadré)...

En toute rigueur, et sur la base des chiffres diffusés, le taux de "réponse au traitement" est vraisemblablement de 15 patients sur les 171 initialement inclus au début du programme, soit seulement 8,8%. [Mise à jour du 06/03/2017 – 18H00 : DBV technologies nous a apporté des précisions sur le nombre de personnes concernées par le communiqué de presse. Ces précisions font l'objet d'un second article, voir plus bas.]

Si ces données suggèrent bien un bénéfice pour une portion de la population étudiée, elles ne renvoient pas au "produit miracle", "efficace à 83,3%", vanté par les dépêches de presse suite à l’annonce du laboratoire.

[MISE À JOUR DU 06/03/2017 – 18H00]

Après de nouveaux échanges avec la société en charge de la communication de DBV technologies puis avec le directeur général délégué de l'entreprise, des informations complémentaires nous ont été fournies. Celles-ci sont détaillées dans un nouvel article, consultable ici.

 

Qu'on se le dise : réaliser un "pourcentage" sur un échantillon de moins de cent personnes... est une pratique courante, mais très douteuse. Elle donne l'illusion que le groupe étudié est très important (plus de 100 !), et les valeurs obtenues connaissent une très forte variabilité dès lors qu'un sujet est ajouté ou enlevé de l'étude.

Dans une pièce où se trouve un homme et deux femmes, oserait-on annoncer qu'il y a "33,33% d'hommes" ? Qu'une personne entre dans la pièce, et l'on annoncerait un "50,0%", "soit une progression de 17,67 points !". Ceci sans compter que, extrapolées à la population générale, les chiffres doivent être associée à leur marge d'erreur...