Deux études de terrain confirment la nocivité des néonicotinoïdes pour les abeilles

Deux des expériences les plus étendues menées à ce jour dans la nature, réalisées en Europe et au Canada, viennent confirmer la nocivité pour les abeilles et autres pollinisateurs de deux insecticides néonicotinoïdes. Les travaux, publiés ce 29 juin dans la revue Science, montrent que l'environnement local et l'état de santé des ruches modulent l'impact des néonicotinoïdes,

La rédaction d'Allo Docteurs
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Deux études de terrain confirment la nocivité des néonicotinoïdes pour les abeilles

Selon les comptes-rendus des travaux présentés dans la revue Science, les néonicotinoïdes, qui agissent sur le système nerveux des insectes, ont dans l'ensemble "des effets nettement délétères" sur les pollinisateurs essentiels à de nombreuses récoltes, dont une nette réduction de leur taux de reproduction et une forte augmentation de leur mortalité.

La première étude — partiellement financée par le secteur de l'agrochimie (Bayer et Syngenta) — a été menée sur un total de 3.000 hectares au Royaume-Uni, en Allemagne et en Hongrie. Les chercheurs ont exposé, deux années durant, trois espèces d'abeilles à des récoltes de colza d'hiver dont les semences avaient été traitées avec de la clothianidine de Bayer Crop Science, ou avec du thiaméthoxame de Syngenta. Il s'agit de deux des trois néonicotinoïdes interdits temporairement dans l'Union européenne en 2013 en raison des craintes de leurs effets sur la santé des abeilles. Un nouveau projet législatif prévoit de les bannir complètement dans les champs mais pas dans les serres.

Or les chercheurs ont constaté qu'une exposition à ces récoltes réduisait le taux de survie des ruches durant l'hiver, dans deux de ces trois pays. En Hongrie, la population des ruches a diminué de 24% au printemps suivant. Au Royaume-Uni, le taux de survie a été généralement faible mais au plus bas dans les ruches où les abeilles avaient été en contact avec du colza traité avec de la clothianidine. En revanche, moins d'effets néfastes ont été observés chez les abeilles en Allemagne.

"Les néonicotinoïdes, objets de cette étude, ont réduit la capacité des trois espèces d'abeilles à se reproduire et à établir de nouvelles populations l'année suivante, tout au moins au Royaume-Uni et en Hongrie", précise Ben Woodcock, un entomologiste du Centre britannique pour l'écologie et l'hydrologie (CEH), principal auteur de cette étude. Selon lui, les différences d'impact de ces insecticides sur la viabilité des ruches entre les trois pays pourraient s'expliquer par l'accès plus ou moins grand à d'autres plantes que le colza traité ainsi qu'à l'état de santé des colonies. 

Ainsi, en Allemagne, les ruche avaient des populations plus grandes et en bonne santé, avec un accès à un large éventail de fleurs sauvages pour butiner. Mais dans les trois pays, le plus faible taux de reproduction a été lié à des niveaux plus élevés de résidus de néonicotinoïdes dans les nids, pointent les auteurs.

Propagation dans l'environnement

La seconde expérience, menée au Canada, a montré que les abeilles ouvrières et les reines dans les ruches en contact avec des néonicotinoïdes mouraient plus tôt et que la santé des colonies était affaiblie. Les abeilles exposées à du pollen traité avec ces insecticides pendant les neuf premiers jours de leur vie voyaient leur espérance de vie réduite de 23%. De plus, les colonies étaient incapables de maintenir de bonnes conditions pour permettre à la reine de pondre.

Les chercheurs ont étudié onze ruches. Cinq étaient proches d'un champ de maïs dont les semences avaient été traitées avec des néonicotinoïde. Les six autres ruches étaient loin des cultures agricoles. Toutes ces colonies ont été minutieusement examinées pour détecter la présence de pesticides entre début mai et septembre. "La question sur la véritable exposition des abeilles aux insecticides est controversée et suscite un débat depuis longtemps", note Amro Zayed, biologiste à l'université de York et principal auteur de cette étude.

Les scientifiques ont également été surpris de trouver dans les ruches du pollen contenant du néonicotinoïde qui ne provenait pas du maïs ou soja traités mais de plantes situées à proximité. "Cela indique que les néonicotinoïdes qui se dissolvent dans l'eau se propagent dans l'environnement", souligne Nadia Tsvetkov, une chercheuse de l'université de York.

Après ces études, "on ne peut plus continuer à affirmer que les néonicotinoïdes dans l'agriculture ne sont pas nuisibles aux abeilles", a réagi David Goulson, professeur de biologie à l'université britannique de Sussex qui n'a pas participé aux travaux. 

avec AFP